PARTIE III.
Réhabilitation et appropriation des espaces domestiques et collectifs

Les deux réhabilitations menées par des organismes HLM aux caractéristiques très contrastées ne peuvent être perçues et vécues par les habitants de façon rigoureusement identique entre les deux sites, même si les comportements d'appropriation antérieurs observés à Garches et Gennevilliers sont similaires. Des différences, même minimes, dans le déroulement des opérations et leurs significations aux yeux des locataires créent des conditions plus ou moins favorables à une évolution de certains comportements d'appropriation. Il faut donc dans un premier temps cerner les caractéristiques communes et distinctes des deux opérations de réhabilitation étudiées.

A cet effet, une analyse des stratégies que développent les deux organismes HLM pour mener leurs opérations est nécessaire. Il s'agit d'identifier les objectifs qu'ils poursuivent, les contraintes qui s'imposent à eux, les ressources dont ils disposent. Comment les directions, qui orientent l'action des organismes et lui donnent sens, perçoivent-elles leur patrimoine et les habitants qui y sont logés ? Selon quelles finalités définissent-elles les besoins d'entretien et d'amélioration des immeubles, et les effets que doit entraîner la réhabilitation, par rapport à leur perception de l'état du bâti et des souhaits de leurs locataires ? A partir des réponses à ces questions et de cette analyse du rôle et des stratégies des deux organismes HLM, il sera possible de déceler les différences entre leurs pratiques et leurs représentations dans la réalisation des réhabilitations, même si les programmes et le déroulement des travaux paraissent très ressemblants, au regard de la présentation préliminaire réalisée (cf. §1.2).

Pour permettre de relever, dans chacun des deux sites, des éléments propices à l'évolution des comportements d'appropriation dans le cadre des réhabilitations, la mise en évidence de ces différences de stratégie des organismes HLM et du déroulement des opérations devra également reposer sur une distinction entre l'espace domestique et l'espace collectif. Quelles différences les organismes HLM font-ils dans la réhabilitation des appartements et des parties communes ? Les travaux sont-ils décidés et réalisés de la même façon dans ces deux parties du patrimoine ?

Cette analyse des différences de pratiques et représentations des organismes dans leurs stratégies de réalisation des opérations montre que l'office de Gennevilliers privilégie les travaux intérieurs tandis que le groupe 3F accorde une plus grande importance aux travaux extérieurs. L'approche générale des opérations des deux organismes HLM comporte en effet quelques différences. L'office de Gennevilliers prend pour objectif principal de répondre aux attentes des locataires en place. Il considère qu'il se doit d'apporter les éléments de confort intérieur supérieurs auxquels les habitants aspirent au regard de la hausse de loyer qu'ils supportent. Comme l'office attache également une grande importance aux notions de citoyenneté et de participation des habitants, il réalise des travaux intérieurs «à la carte». A l'inverse, le groupe 3F ne souhaite pas rendre la gestion de l'opération trop compliquée en proposant ces choix. Il prend comme objectif principal de satisfaire sa clientèle et pour ce faire, il accorde une grande importance aux travaux extérieurs qui peuvent améliorer l'image de marque des immeuble et les rendre plus attrayants et attractifs.

La mise en évidence de ces différences dans l'approche et la réalisation des opérations par les organismes HLM ainsi que l'analyse du processus d'appropriation de l'espace par les locataires antérieur aux travaux permettent de lire les réhabilitations et leur impact sur les pratiques socio-spatiales des habitants. Il s'agit donc de comprendre quel sens les habitants donnent aux réhabilitation en fonction de leur appropriation des espaces domestiques et collectifs et de discerner les effets des réhabilitations sur ces comportements d'appropriation. Ces comportements devront être compris dans une perspective dynamique : il s'agit de mettre en évidence une évolution, soit par l'adoption de nouveaux comportements ou l'abandon d'anciens. Pour lire les réhabilitations à travers des processus d'appropriation, il faudra repérer les changements produits dans les comportements de transformation de la matérialité, d'attribution de sens à l'espace et d'institution de normes spatialisées.