Jusqu'au début des années 1970, les organismes HLM se sont concentrés sur un effort de construction : leur objectif était de réaliser le plus grand nombre possible de logements dotés de tout le confort moderne. Les services «construction» possédaient alors un rôle clef. Une culture technique s'est largement développée au sein des organismes de ce fait, d'autant plus que la réglementation s'est largement étoffée, passant de la responsabilité du Ministère de la santé à la responsabilité du Ministère de la construction. Que ce soit en terme de surface, disposition des pièces, caractéristiques de chauffage, distribution d'eau et d'électricité, isolation, etc, le confort est devenu une norme majeure qui a entièrement orienté l'action des organismes HLM, les prescriptions techniques devenant de plus en nombreuses et complexes (DREYFUS, 1990).
La chute brutale de construction neuve à la fin des années 1980 au profit du lancement d'une phase soutenue de réhabilitation correspond à l'émergence de nouvelles préoccupations. Alors que l'entretien a été largement négligé, que les provisions pour gros entretien ont été manifestement sous-estimées et que les loyers sont trop bas pour permettre une gestion saine de leur patrimoine, les organismes HLM se trouvent face à des bâtiments qui se dégradent plus rapidement que prévu. Plutôt que d'investir en continu pour rattraper ce défaut de maintenance sur du long terme, les organismes HLM sont incités à réinvestir massivement et ponctuellement par le biais de la réglementation sur les PALULOS, qui permet à la fois d'augmenter les loyers grâce au conventionnement et d'obtenir des crédits de l'Etat, alors que l'entretien ne bénéficie d'aucune subvention (BONETTI M., SALAGNAC J-L., WECKSTEIN M., 1998).
Passant d'une activité de construction neuve à une activité de réhabilitation, les organismes HLM ont tout naturellement confié la charge de mener ces nouvelles opérations aux anciens services construction, qui ont abordé ces travaux avec la même culture technique prédominante, reposant sur les notions de confort et de qualité technique. Cette approche est encore renforcée par la réglementation relative aux réhabilitations, qui subventionne les travaux de «mise aux normes minimales d'habitabilité», selon les termes de l'arrêté du 30 décembre 1987, qui fixe la nature des travaux pouvant bénéficier d'une subvention PALULOS.
Ces facteurs historiques ont donc conduit les organismes HLM à procéder à des réhabilitations qui d'une part contiennent une grande part de travaux d'entretien, afin de rattraper un manque de maintenance antérieur, et d'autre part reposent sur la notion d'une amélioration du confort. Ainsi, les résultats de l'évaluation de la politique de réhabilitation 20 au début des années 1990 comme ceux d'études plus récentes révèlent qu'une partie importante des travaux réalisés dans le cadre des réhabilitations relèvent de l'entretien du patrimoine. Les évaluateurs ont estimé à 20% la part de travaux correspondant strictement à de l'entretien (remplacement d'une baignoire en fin de vie), et à 30% la part de travaux comportant de l'entretien implicite (remplacement d'un bac à douche en fin de vie par une baignoire). Ainsi la moitié des travaux réalisés ne correspondent pas à une stricte amélioration, mais à des travaux qui s'imposaient tôt ou tard afin de maintenir le patrimoine en bon état, dans son état existant. Les deux impératifs de rattrapage d'entretien et de remise aux normes se combinent et contraignent les organismes HLM à réaliser des opérations de réhabilitation dont les travaux correspondent pour une grande part à une mise à niveau technique des logements : mise au normes des installations électriques, reprise de l'étanchéité en cas d'infiltrations, remplacement des menuiseries en fin de vie, prise en compte de la ventilation conformément à la réglementation…
La réhabilitation de l'habitat social. Rapport de l'instance d'évaluation. Paris, la Documentation Française, 1993, 425p.