V.1.3.1.L'élaboration du projet

Habitués aux opérations de construction neuve, les organismes HLM ont dû complètement modifier leurs pratiques pour les réhabilitations en prenant en considération le fait qu'ils intervenaient cette fois dans des logements occupés par leurs habitants. Le principal destinataire de leurs actions n'était plus l'immeuble bâti mais les locataires. Les notions de confort et de qualité, tout en demeurant au centre de leurs préoccupations, ont dû être relativisées, en acceptant le fait que leur perception pouvait être différente par des personnes vivant quotidiennement dans les lieux aménagés. De même, leur conception de leurs compétences a dû évoluer : l'objectif n'était plus d'être les meilleurs techniciens du bâtiment, mais des professionnels capables d'ajuster leurs propositions en fonction des réactions des habitants.

Au delà de l'incitation de l'Etat à tenir compte des aspirations des habitants, par le biais de la circulaire sur l'organisation de la concertation et la diffusion d'un message fort valorisant la participation et plus généralement la citoyenneté, les organismes HLM ont compris l'intérêt qu'ils pouvaient retirer d'une adhésion des locataires à leurs projets (WARIN, 1995). Il s'agit en effet d'éviter les conflits, qui peuvent déboucher sur le blocage de projets lorsque les habitants sont particulièrement bien mobilisés, ou lorsqu'une association est très active. Les DDE expliquent qu'elles sont parfois saisies directement par les habitants quand ceux-ci contestent le bien fondé des travaux au vu des augmentations de loyers et qu'elles doivent alors intervenir pour réaliser une médiation permettant de débloquer la situation. Il s'agit également de mieux connaître les attentes et les réactions des locataires, afin d'éviter des sentiments d'insatisfaction généralisés après travaux, voire de susciter des réactions positives, gages de relations améliorées par la suite.

Mais tout en souhaitant susciter cette adhésion des locataires au projet, les organismes HLM restent sceptiques sur l'intérêt d'une réelle implication des habitants dans les décisions : la crainte de perdre la maîtrise de l'opération, qui entre dans une approche stratégique globale, la difficulté de s'adapter au rythme des habitants, qui doivent avoir le temps d'apprendre à maîtriser de nouveaux savoir-faire pour pouvoir orienter profondément le projet dans un autre sens, font que les organismes préfèrent équilibrer la concertation sur la notion d'adhésion plutôt que sur celle d'implication (WARIN, 1995).

Les organismes HLM ont donc développé des savoir-faire en matière de concertation qui leur permettent d'atteindre cet objectif. Une information précise, individuelle et collective, par réunions et courriers, la constitution de groupes de travail chargés de faire le lien entre les locataires et l'organisme, des délais d'élaboration du projet suffisants pour permettre aux habitants de réagir, sont autant d'outils correctement maîtrisés et généralement utilisés par les organismes HLM aujourd'hui, alors que les premières concertations se sont bien souvent révélées plus chaotiques.