V.3.2.2.Ecouter et convaincre

Dans l'élaboration d'un projet consensuel, qui prenne en compte les souhaits des locataires et les exigences du groupe 3F, les personnes en charge de la concertation ont à réaliser un travail d'écoute et d'explication. Alors que les responsables de l'office de Gennevilliers insistent sur les particularités de chacun des bâtiments, considérant que les habitants ne réagissant jamais de la même façon, et sur la nécessité de prendre toujours en compte les spécificités de chacun, leurs homologues du groupe 3F insistent quant à eux sur l'intérêt de mener la concertation avec efficacité, c'est-à-dire d'aboutir rapidement à un consens qui suscite la satisfaction des habitants.

Ainsi, le chef de secteur explique que le groupe de travail est constitué de volontaires acceptés par l'organisme : considérant que certaines personnes ne viennent que pour s'opposer systématiquement au groupe 3F, comme elles le font habituellement, les responsables se réservent le droit de les exclure du groupe de travail. De plus, alors que l'office de Gennevilliers tend à remettre en cause son approche et ses compétences au profit des remarques des locataires, le chef de secteur considère lui que les habitants peuvent ne pas avoir les capacités nécessaires pour juger des travaux :

« Les locataires ne sont pas des professionnels, donc ils peuvent avoir un point de vue erroné »

Afin de faciliter la mise en œuvre des travaux et la gestion des logements, les responsables du groupe 3F estiment également que les travaux à la carte, comme ceux réalisés par l'office de Gennevilliers, sont avant tout sources d'ennuis, et préfèrent donc les éviter. Le chef de secteur répond ainsi à la question «est-ce que vous laissez les locataires choisir l'emplacement [d'un point lumineux dans la salle de bain] ?» :

« Surtout pas ! on ne va pas s'amuser à creuser et à faire des raccords de peinture de toutes les couleurs, et vert à pois rouges ! »

En fait, l'emplacement des prises électriques n'est même pas inscrit initialement dans la concertation : l'architecte prévoit tous ces détails dans son projet et si les habitants manifestent une demande vive et justifiée, alors l'emplacement peut être un peu modifié. Si les habitants parviennent à convaincre 3F de l'intérêt de rajouter une prise électrique dans une pièce, alors cette mesure est appliquée dans chaque appartement, afin d'éviter les surcoûts de gestion dus à une situation hétérogène.

Dans cette recherche d'efficacité de la concertation, le groupe 3F préfère bien préparer son projet avant de le présenter pour la première fois aux habitants. Il ne réalise donc pas de sondage préliminaire, à la différence de l'office de Gennevilliers, mais se fonde sur un diagnostic technique et discute ensuite du programme dans un esprit de négociation (chef de secteur) :

« Au moment de la concertation, on n'a pas intérêt à aller se prendre la tête, on n'est pas là non plus pour apporter le paradis, on ne va pas tout faire de A à Z. On a une enveloppe budgétaire, une liste de travaux, et on discute : s'il y a des travaux complètement déplacés, on dit qu'on va revoir notre copie, si les locataires disent qu'il y a des travaux à faire et que c'est fondé, ils peuvent être intégrés dans l'enveloppe. »

Plutôt que de chercher à répondre dans les moindres détails aux souhaits des locataires, le groupe 3F préfère réaliser des arbitrages en fonction de ses propres intérêts et prendre du temps pour expliquer ces choix aux habitants, afin de les convaincre du bien fondé de la solution retenue. Le but est de partager la même analyse des objectifs et des difficultés, à partir de pragmatisme et de bon sens. La directrice de l'agence des Hauts-de-Seine considère que la concertation lors de la réhabilitation de la résidence des Châtaigniers s'est très bien passée parce que les habitants se sont montrés «très ouverts et très objectifs dans leurs remarques». Elle explique également qu'en cas de difficultés de dialogue avec quelques locataires particulièrement négatifs, l'expérience du groupe 3F en matière de négociation permet de parvenir malgré tout à un projet consensuel et globalement satisfaisant pour chacun, objectif de la concertation :

« Il nous appartient, avec l'expérience, et avec le savoir-faire qu'on a pu acquérir sur d'autres opérations, d'organiser le mécontentement, ou l'opposition systématique de ces locataires, à notre profit, pour leur démontrer que ça ne sert à rien, après, c'est tout le savoir-faire de la négociation, (…) je n'aurai pas forcément à dire « ça suffit » , ils vont s'autocensurer avec la présence des autres locataires. »

Le groupe 3F réalise donc ses opérations de réhabilitation avec la volonté de faire preuve de professionnalisme, c'est-à-dire d'atteindre l'objectif de satisfaire à la fois les locataires et ses propres visées rapidement, à moindre coût.