VI.1.1.3.Des travaux considérés comme légitimes.

La source de légitimité des travaux est donc différente entre les organismes HLM et les habitants. Les professionnels considèrent que les habitants sont demandeurs d'une amélioration de leur cadre de vie et que les travaux de réhabilitation entrepris représentent un moyen de pourvoir à cette attente, que ce soit dans une approche visant à répondre aux souhaits des locataires en place, pour l'office de Gennevilliers, ou visant à satisfaire un client, pour le groupe 3F (cf. chapitre V.).

Les habitants considèrent quant à eux que les travaux sont obligatoires d'une façon ou d'une autre pour les organismes, que ce soit par le biais d'une obligation légale, de l'influence des municipalités au regard de l'aspect esthétique des bâtiments, ou par nécessité d'entretenir et de remettre aux normes le patrimoine. La présentation de telles justifications des travaux, présentés comme leur étant dus par obligation et non comme étant une réponse à leur demande, est un moyen pour les habitants de se défendre d'une forme d'assistance.

Si le refus d'assistanat n'apparaît pas clairement dans les propos tenus généralement sur les raisons des réhabilitations, une remarque spontanée d'une locataire tend à montrer une volonté très forte d'autonomie et la fierté de ne dépendre de l'aide de personne. Cette personne s'émeut des propos de sa famille, qui considère que l'opération de réhabilitation est le fruit de la solidarité nationale (ce qui est pourtant exact au regard des subventions versées par l'Etat) :

« Moi, j'ai de la famille, quand ils ont vu ça, ils ont dit : « eh bah voilà, voilà nos impôts, où c'est qu'ils passent ! » On n'y peut rien, nous, c'est pas nous qui avons décidé de réhabiliter ! (…) cette réflexion là, elle ne m'avait pas tellement plu. Et pour rien, ce n'est pas de ma faute s'ils paient des impôts, ce n'est pas moi qui ai demandé la réhabilitation non plus ! Bon, bah, ils l'ont faite, ça fait du bien, mais… Ca m'étonnerait qu'ils payent plus d'impôts pour ça, mais c'est pris en charge par le gouvernement, les préfectures, tout ça… Mais c'est pas parce qu'on habite en HLM que les autres payent plus d'impôts, ils ont l'air de croire que nous, on n'en paye pas des impôts, mais on paye aussi, hein, ça dépend des revenus ! » (n°1, Garches, femme).’

Ainsi, alors que les professionnels des organismes établissent et formulent des bilans coûts / avantages pour justifier les opérations, soulignant à Garches l'absence de hausse de loyer significative et à Gennevilliers les économies de charges générées et l'octroi de subventions municipales importantes, les habitants négligent cet aspect financier pour ne retenir que la notion d'obligation. Ils conservent de la sorte une certaine maîtrise dans l'approche des travaux, dont ils ne pourraient user s'ils les considéraient comme une faveur ou un don de l'organisme. En estimant qu'ils ne sont pas redevables, les locataires gardent la liberté complète de juger les travaux comme ils l'entendent, et d'exprimer un éventuel mécontentement.