VI.2.2.1.Etre présent dans l'appartement au moment des travaux.

La très grande majorité des habitants rencontrés étaient présents dans leur logement au moment de la réalisation des travaux. Pour les femmes au foyer, les personnes à la retraite, les assistantes maternelles, ou encore les personnes qui se rétablissaient d'une maladie ou d'un accident, cette présence n'était pas choisie, sauf pour certaines d'entre elles qui avaient la possibilité de s'installer ailleurs pour fuir la gêne du chantier et qui ont préféré rester. Mais ces habitants soulignent que, même si leur présence dans l'appartement était un comportement habituel, il était très important pour eux d'être là, et nombre de locataires qui travaillent la journée ont pris des jours de congé afin de pouvoir être dans leur appartement au moment des travaux.

Certains n'avancent pour justifier ce comportement que la nécessité d'éviter les cambriolages. Ces personnes précisent bien qu'elles avaient confiance dans les ouvriers et qu'elles ne craignaient pas des vols de leur part, mais redoutaient que la porte d'entrée ne reste ouverte :

  • « Il faut être présent. On ne veut quand même pas laisser les logements à tout va. Parce que c'est souvent la porte ouverte, les ouvriers qui entrent. On a confiance aux ouvriers, mais c'est quand même des ouvriers qui venaient de l'extérieur, et n'importe qui pouvait monter. Donc il faut toujours la présence d'une personne ici, dans l'appartement.» (n°10, Gennevilliers, femme)
  • «J'aurais préféré être là tout le temps, parce que quand vous voyez l'appartement qui est ouvert, ils ont fini dans mon appartement, ils laissent ouvert parce qu'ils attendent un autre ouvrier, ils repartent de l'autre côté, les portes étaient ouvertes, donc on ne sait jamais… Il suffit que quelqu'un monte dans les escaliers, je ne parle pas des ouvriers, mais quelqu'un d'étranger monte dans les escaliers…» (n°15, Gennevilliers, femme).

D'autres locataires expliquent qu'ils préféraient être présents pour pouvoir surveiller le travail des ouvriers et éventuellement réagir, même s'ils n'ont pas réussi à obtenir ce qu'ils voulaient. Mais lorsque ces locataires justifient leur présence par cette raison, ils prennent généralement le soin de préciser qu'ils n'exerçaient pas une surveillance étroite et permanente :

  • « Moi, j'étais déjà à la retraite, j'étais avec eux, bon, je les surveillais quand même un peu, quoiqu'ils faisaient ce qu'ils voulaient, il y en avait. » (n°9, Gennevilliers, femme)
  • « Et il y avait quelqu'un qui les surveillait ? – Bah j'étais là toute la journée, donc j'ai discuté beaucoup avec eux, les surveiller, ce n'était pas trop... non, je ne les ai pas vraiment surveillés, j'étais là, je discutais avec eux, ils me demandaient où je voulais mettre mes fils, mes prises, j'allais les voir, mais ça s'est bien passé. » (n°2, Gennevilliers, femme).
  • « Je les surveillais un petit peu, mais enfin, je n'étais pas sans arrêt derrière eux, mais je ne voulais pas les laisser tous seuls dans l'appartement, c'est ça, j'allais voir de temps en temps ce qu'ils faisaient, et puis bon… je n'étais pas tout le temps derrière eux.» (n°2, Garches, couple)
  • « J’étais suffisamment derrière eux, et moi je n’aime pas être derrière les gens, quand ils travaillent.» (n°7, Garches, couple).

Ces précisions sont révélatrices de la stratégie mise en œuvre par ces locataires, qui cherchent un équilibre entre leur souhait de suivre attentivement ce qui est réalisé chez eux, afin que leur réaction puisse être prise en compte avant qu'il ne soit trop tard, et leur désir de ne pas se montrer désagréables avec les ouvriers. Une surveillance trop étroite pourrait en effet être perçue par les ouvriers comme un manque de reconnaissance de leur professionnalisme, comme un manque de confiance dans leurs compétences, ou encore comme la preuve d'une insatisfaction permanente de la part du locataire qui apparaîtrait comme étant trop exigeant et pénible. Or les habitants qui veulent obtenir des ouvriers les adaptations qu'ils souhaitent cherchent plutôt à se montrer sous leur meilleur jour (et non pas comme des éternels insatisfaits) afin d'établir des relations de confiance et de sympathie. De plus, les locataires ne semblent pas se considérer comme étant légitimes pour effectuer un véritable contrôle des prestations, ce qui les incite également à exercer une surveillance discrète.

D'autres locataires n'ont pas fait le choix de prendre de jours de congé pour pouvoir suivre les travaux. Certains locataires, qui n'ont pas de regret et considèrent que le chantier s'est bien passé, expliquent leur attitude par le fait qu'ils n'éprouvaient pas de craintes particulières, à la fois parce qu'ils attachent moins d'importance aux risques de dégradation ou de cambriolage et parce qu'ils accordent une très grande confiance à l'organisme HLM, à l'exemple de cette locataire :

  • « Il y a des gens qui ont pris des jours de congé pour être là… – Oui, mais après, c'est une question de mentalité, on fait confiance, ou on ne fait pas confiance. Moi, j'ai rien de précieux, c'est pour ça. » (n°11, Garches, femme)

Mais d'autres locataires regrettent d'avoir été absents car ils considèrent que les interventions réalisées chez eux ont été beaucoup moins soignées que chez ceux qui étaient présents au moment des travaux, comme l'affirme cette habitante :

  • « Tous les appartements ne sont pas faits pareil, ça non plus ce n'est pas normal. Quand on fait une réhabilitation, c'est pour tout le monde pareil, et nous, étant donné qu'on n'était pas là, on est lésé.» (n°8, Gennevilliers, couple).

Pour ce couple, leur absence du logement au moment des travaux a permis aux ouvriers de passer des cheminements sous baguettes très peu discrets, la diminution de la longueur du circuit étant privilégiée par rapport à l'esthétique, de bâcler la pose des installations sanitaires, au point d'oublier un raccord, ce qui a engendré des fuites, et de négliger les finitions de peinture. Ces habitants considèrent que leurs insatisfactions sont la conséquence directe de leur absence de surveillance des travaux, à tel point qu'ils décident de modifier leur comportement en cours de chantier :

  • « Un matin, je me suis fâchée, je suis restée, et je me suis dit : « il faut que ça s'arrête, parce que là, ils vont m'en mettre partout, et ça suffit »» (n°8, Gennevilliers, couple).

Malgré ce changement d'attitude ponctuel, ces habitants restent profondément mécontents des travaux effectués chez eux. Mais s'ils reconnaissent comme les autres locataires qu'il était préférable de surveiller les ouvriers pour être satisfaits des réalisations, ils accusent l'organisme HLM d'iniquité. Ils dévalorisent le comportement de l'organisme au titre des différences de traitement réalisées entre les locataires, sans valoriser les stratégies mises en œuvre par leurs voisins.

Ainsi, les habitants éprouvent pour une grande majorité d'entre eux de l'inquiétude à laisser leur appartement sans surveillance, même s'ils font confiance aux ouvriers. Ils considèrent que le fait d'être présent dans l'appartement et de suivre l'avancement des travaux sans se montrer importun et agaçant avec les ouvriers est un bon moyen d'obtenir satisfaction pour une adaptation des réalisations à leurs souhaits. Cette stratégie s'accompagne généralement de la recherche d'une forme de sympathie avec les ouvriers, qui permette d'engager une relation constructive avec eux.