VI.2.2.2.De bonnes relations avec les ouvriers.

Les habitants se montrent généralement fiers des résultats des négociations qu'ils ont menées avec les ouvriers et n'hésitent pas à mentionner les petites adaptations qu'ils ont obtenues, comme dans ces exemples :

Une autre locataire raconte que l'électricien lui a permis de réutiliser son plafonnier, ce qui n'était normalement pas compris dans les travaux, en préparant toute l'installation et en lui expliquant comment rebrancher les fils après la visite de contrôle du pilote de chantier. Elle précise qu'elle «ne veut pas faire de tort au petit jeune» et qu'elle ne souhaite donc pas que cette anecdote soit rapportée.

Dans tous ces exemples, les habitants font preuve d'une ingéniosité qui leur permet de contourner les règles fixées a priori par les bailleurs, en se plaçant dans des situations non standardisées. Ils précisent qu'ils «ont eu du mal» à obtenir ce qu'ils voulaient, donc que les négociations leur ont demandé du temps et de l'énergie, au regard de l'ampleur de ce qu'ils demandaient. Mais si ces négociations ont été difficiles, les habitants se montrent très heureux de leurs succès, en les racontant dès que le sujet de la réhabilitation est abordé au cours de l'entretien, et en les présentant sous la forme de petites victoires.

Nombre d'entre eux aiment préciser également qu'ils ont entretenu de très bonnes relations avec les ouvriers et qu'ils se sont montrés généreux à leur égard, comme dans ces exemples :

Ces gestes de sympathie permettent aux habitants d'engager des relations plus personnelles que strictement professionnelles et de montrer tout l'intérêt qu'ils portent à la bonne réalisation des travaux. Le fait de sympathiser avec les ouvriers, de passer du temps avec eux, de se montrer attentif à leurs conditions de travail et à leur ouvrage, en restant compréhensif et amical, permet aux locataires de créer des relations de coopération. Les ouvriers et les habitants tentent alors de concert de trouver la solution pratique la plus avantageuse, qui tienne compte à la fois des contraintes des premiers et des attentes des seconds. Cette bonne entente permet d'obtenir que les ouvriers passent plus de temps dans l'appartement et apportent plus de soin aux finitions, comme l'affirment ces locataires, dont l'un a réussi à convaincre l'électricien de réutiliser l'ancienne installation électrique plutôt que refaire un cheminement sous baguette inesthétique :

Les habitants tendent à valoriser cette capacité à lier des relations amicales et constructives, en établissant un parallèle entre la façon dont les ouvriers étaient reçus et la qualité de leurs réalisations, comme dans ces exemples :

  • « C'est sûr que si les gens les recevaient mal, les ouvriers, ils étaient mal, c'est donnant donnant, si vous recevez bien les gens, vous êtes bien, si vous les recevez, c'est sûr que derrière, c'est ça !» (n°2, Gennevilliers, femme).
  • « On n'a pas eu de problème avec eux. Vous savez, quand vous êtes corrects avec les gens, les gens sont corrects avec vous. C'est tout. Si vous êtes toujours à râler derrière, ça ne sert à rien, si vous êtes toujours après eux, ils ne feront pas mieux, hein ! non, il faut laisser faire le travail.» (n°10, Gennevilliers, femme).

Etablir ce parallèle est une façon d'affirmer que la bonne réalisation des travaux est finalement de la responsabilité des locataires, et de valoriser son propre comportement qui a permis d'obtenir les adaptations souhaitées et des travaux de meilleure qualité. Néanmoins, cette position est généralement nuancée, car les habitants reconnaissent que si l'établissement de ces relations constructives dépend largement de l'attitude des locataires, il dépend également beaucoup des ouvriers eux-mêmes, et nombre d'entre eux font part d'une inégale capacité des professionnels. Dans ce cas, si les ouvriers ou les pilotes de chantier sont désagréables, de mauvaise volonté, ou incompétents, les efforts de négociation des habitants sont réduits à néant et les désagréments qui en découlent ne sont plus considérés comme étant de leur responsabilité :

  • « Et chez Mme X., ils ont tout démonté, et ils ont tout mis de travers ! Deux fois, ils ont recommencé, deux fois ils lui ont mis de travers ! – Elle a pu réclamer ? - Elle a laissé tomber, parce qu'elle a été malade après, et c'est comme ça, elle est morte entre temps. L'autre [le futur locataire], il va arriver là, il va voir ça de travers, il se débrouille. Elle n'y est pour rien, là ! Parce qu'il n'était pas sympa, le chef ! Le P. [pilote de chantier], là, on avait l'impression qu'on lui prenait l'argent de sa poche. Surtout que cet argent, c'est nous qui le donnons tous les mois ! Il était épouvantable ! Avec les ouvriers, ça allait, mais c'était avec le responsable !» (n°11, Gennevilliers, femme).
  • « Ceux qui étaient venus pour la plomberie, et même l'électricité, parce qu'il faut plusieurs équipes quand même, ce n'est pas un gars tout seul qui pouvait...., si vous aviez la chance de tomber sur un bon, ça va, mais si vous tombiez sur une équipe, disons..., heu, c'est ce qui est arrivé à beaucoup de gens. Ils sont tombés sur des sagouins. » (n°13, Gennevilliers, couple).

Mais même si les locataires se plaignent de la réalisation des travaux et reconnaissent que certains ouvriers ont mal travaillé, ils prennent généralement leur défense et disent avoir des reproches à faire à leurs supérieurs hiérarchiques ou au personnel de l'organisme HLM, pour avoir embauché des personnes non compétentes et non directement aux intéressés, comme l'expliquent ces habitants :

  • « Au niveau des entreprises, qu'ils ont pris, et de la qualification des gens qu'il y avait, c'était au ras des pâquerettes. Je ne dis pas que c'était une armée de bras cassés, parce qu'au contraire, les mecs, on voyait qu'ils tapaient dans le mastic, il fallait pas chercher les détails. Ce qui fait que les plombiers sont partis de l'appartement du 1er, le soir ils ont remis en eau, il y avait neuf fuites !» (n°5, Gennevilliers, homme).
  • « Je veux dire, la réhabilitation n'a pas été faite par des professionnels, on a pris des gens, il ne fallait pas que ça coûte cher. Ils étaient très gentils, ils étaient très, comment dirais-je ? Ils essayaient de faire du mieux possible, d'ailleurs, ils nous ont dit qu'ils étaient payés à la tâche, je crois, ce qui veut dire que plus ils en faisaient dans la journée, plus ils avaient de.. hein !» (n°2, Garches, couple)

Les habitants reconnaissent donc volontiers la pénibilité de la tâche et la bonne volonté des ouvriers et même s'ils déplorent parfois le résultat de leur travail, ils préfèrent en reporter la responsabilité sur l'organisme HLM ou sur les pilotes de chantier, ou encore sur les locataires eux-mêmes, qui selon eux, adoptent une conduite désagréable et subissent alors les conséquences de leur manque d'amabilité. Les locataires tendent donc à valoriser une forme de proximité avec les ouvriers, ainsi que les comportements constructifs, et mettent facilement en avant leur propre attitude amicale ou diplomate, se montrant fiers et satisfaits de l'issue des négociations entreprises.