VI.2.2.3.Se montrer catégorique.

Certains locataires n'hésitent pas, en plus des relations chaleureuses qu'ils établissent avec les ouvriers pour faciliter leurs négociations, à se montrer extrêmement fermes lorsqu'ils souhaitent défendre leur appartement contre des travaux considérés comme des dégradations, notamment avec le pilote de chantier, au moment de la visite destinée à prévoir les travaux à réaliser. Témoin, cette locataire :

« Ce n'était pas trop dur de refuser ? – Non, ils ont compris, je leur ai dit : « moi, je n'ai pas les moyens, j'ai dépensé une certaine somme, je n'ai pas les moyens de recommencer » , parce que moi je dis : « vous n'allez pas, d'accord, vous faites tous les travaux, à condition que vous remettiez ma maison comme elle est » ; il n'était pas question… Donc, ils ont compris, ils n'ont pas insisté, ils ont dit : « vous avez fait ce qu'il faut, il n'y a rien qui ... » Ils ont regardé que tout est en œuvre, aux normes. » (n°13, Gennevilliers, couple)

Dans ce cas, les professionnels des organismes HLM tentent de respecter au mieux les travaux effectués par les locataires, en limitant leurs interventions à la mise aux normes des appartements, et rassurent les habitants en leur expliquant leur position. Mais au cours du chantier, il arrive que des désaccords importants éclatent ou qu'un locataire surveille de très près le travail des ouvriers, lorsqu'il est particulièrement méfiant, comme dans ces exemples :

«Moi, les mecs, je ne les ai pas lâchés, ils ne remettaient pas en eau tant que je n'avais pas constaté que tout était bon. Mais j'avais la chance, j'étais présent. » (n°5, Gennevilliers, homme)
« Le téléphone dans l’entrée, j’ai dit : « nous, on a l’habitude que ce soit dans l’entrée, mettez-en une autre [prise téléphonique] si vous voulez, mais nous, on garde notre téléphone dans l’entrée». – Et ça, il a bien voulu ? – Il a bien voulu quand il a vu que ça commençait à monter. J’ai dit : « non, non, je vais voir votre responsable » , et la prise, il nous l’a laissée. Elle ne gêne pas dans l’entrée ! Mais il m’a dit : « ce n’est pas convenu, c’est pas compris dans mes travaux » , alors je lui ai dit : « ça, vous faites comme vous voulez ! » . Voilà. » (n°7, Garches, couple)
« On avait trois peintures au choix, alors j'avais demandé saumon, je me suis retrouvée avec un rose Barbie. J'ai dit : « stoppez tout ! » - « Mais madame, on doit finir » - « Je ne veux pas le savoir, vous prenez votre seau, votre rouleau, vous partez de chez moi ! »» . (n°12, Gennevilliers, femme)

La négociation se transforme dans ces cas là en une prise de position claire et catégorique : les locataires font preuve d'une très grande fermeté, ne laissant entrevoir aucune autre issue que celle qu'ils souhaitent. Ils considèrent être dans leur droit, représentation sur laquelle ils s'appuient pour défendre énergiquement leur point de vue, menaçant éventuellement de transformer cette situation en conflit ouvert qui nécessiterait l'intervention d'une tierce personne.

Les habitants engagent ainsi au moment de la réalisation des travaux une stratégie de négociation pour obtenir ce qu'ils souhaitent, que ce soit par des formes souples, reposant sur la construction de relations amicales avec les ouvriers, ou en défendant une position catégorique. Ces négociations permettent aux habitants d'intervenir directement sur la réalisation des travaux pour obtenir les ajustements qu'ils souhaitent, en fonction de leur personnalité (critères esthétiques), de leurs habitudes d'usage de l'espace domestique, ou encore des aménagements qu'ils ont pu effectuer eux-mêmes avant la réhabilitation.