VI.3.2.1.Différentes sources de mécontentement.

Sur l'ensemble des locataires rencontrés, un seul ménage a fait part d'un très fort mécontentement qui l'a conduit à rejeter en bloc la réhabilitation. Ces locataires se plaignent essentiellement de la mise en œuvre des travaux, accusant les ouvriers d'avoir percé des trous énormes pour poser les baguettes, en retenant les cheminements les moins discrets, et d'avoir oublié un raccord en plomberie. Ils disent n'avoir pu utiliser leur installation sanitaire pendant cinq semaines, temps nécessaire aux pilotes de chantier pour trouver la raison des fuites et intervenir. Ces difficultés en cours de chantier et la nécessité pour eux de refaire du crépi pour cacher les trous sont les deux principaux éléments qui ont conduit ce couple à se forger une opinion extrêmement négative de l'opération et, de façon très générale, de sa relation avec l'organisme HLM. Ce fort ressentiment a entièrement occulté les autres aspects de la réhabilitation, qui est alors systématiquement présentée dans ses dimensions négatives, comme dans ces propos :

« Globalement, qu'est-ce que ça surtout changé pour vous, la réhabilitation ? – (elle) On a été très en colère, quoi, ça c'est clair, je leur en veux, parce que ... (lui) Si, il y a un point positif, c'est tout ce qui est fenêtres, on entend moins de bruit. (elle) Mais alors, à nettoyer, bonjour ! J'aurais préféré qu'ils nous laissent le bois comme c'était avant ! » (n°8, Gennevilliers, couple).’

Dans cet exemple, ce couple retient finalement les caractéristiques négatives d'entretien des fenêtres au détriment de l'amélioration phonique en raison de son sentiment de « colère» : l'ensemble des représentations de l'opération s'organise ainsi autour de l'unique notion de ressentiment.

Mais un tel rejet global de l'opération très rare et d'autres habitants, plus nombreux, tirent plus simplement un bilan négatif de la réhabilitation, considérant que les conséquences désagréables l'emportent sur l'amélioration du confort. Ainsi, ce couple cite au cours de l'entretien un certain nombre de changements positifs, mais retient avant tout de la réhabilitation qu'elle a entraîné la nécessité de refaire de nouveaux travaux pour réparer les dégradations produites :

  • «Qu’est-ce que ça a changé surtout pour vous la réhabilitation ? Quelles sont les conséquences ? – Les conséquences des travaux, c’est que ça nous a apporté de nouveaux travaux ! On n’a pas tout fait parce que mon mari a été dans un fauteuil pendant un an, ce n’est pas moi qui fait quoi que ce soit dans la maison, mais si on s’était écouté, on aurait refait toutes les pièces, celle-ci, il l’a refaite. » (n°4, Gennevilliers, femme).

Enfin, une dernière catégorie d'habitants mécontents formulent un bilan négatif de façon beaucoup plus floue et mesurée, comme dans cet exemple :

  • «Votre impression générale sur la réhabilitation : est-ce que ça vous a plus apporté, ou est-ce que les nuisances l'emportent ? – Moi, je dirais plutôt le second, pour tous les petits détails accumulés que je vous ai dis, et avec le coup de massue je dirais que j'ai pris globalement, je serais tenté de vous dire la deuxième proposition, est-ce qu'elle est vraiment juste ? Je ne sais pas, c'est un sentiment personnel. Ça s'arrête au sentiment, plus que d'être objectif, comment j'ai vécu tout au global, comment j'aborde les choses, j'ai plutôt l'impression de moins bien vivre dans mon appartement qu'avant.» (n°5, Gennevilliers, homme).

Les «détails» dont parle ce locataire concernent notamment l'emplacement du nouveau chauffe-eau, qui le gêne quand il cuisine, la taille du nouveau lavabo, dans lequel il ne peut plus se laver les cheveux, ou encore le remplacement de la baignoire par une douche qu'il trouve mal conçue car trop petite. Cet habitant retient finalement essentiellement de la réhabilitation le fait qu'elle soit venue perturber son mode de vie habituel, suscitant une forme de mécontentement peu précis, peu ciblé, mais diffus.