VI.3.2.3.Des points de satisfaction très divers.

La majorité des habitants expriment cependant une satisfaction générale quant à la réhabilitation. Pour préciser ces bilans positifs, ils citent quasiment la totalité des travaux réalisés, expliquant qu'ils apportent un plus grand confort. Ainsi, pour les travaux concernant l'électricité, un plus grand ampérage, un plus grand nombre de prises et surtout un sentiment de sécurité sont très appréciés. Pour les travaux de plomberie, le remplacement des sanitaires par des installations plus confortables et la sécurité des nouveaux chauffe-eau sont cités. Pour les travaux en façade de ravalement et de remplacement des fenêtres, l'amélioration de l'esthétique des bâtiments, l'isolation thermique et phonique, la suppression des infiltrations d'eau sont mentionnés, et la pose de volets roulants, silencieux et pratiques, est également prisée. Les habitants répondent donc aux questions générales de synthèses, telles que : «qu'est-ce que ça a changé pour vous, finalement, la réhabilitation ?», en dressant des bilans dans lesquels ils précisent tous les éléments de confort supplémentaires ou d'amélioration de la propreté ou de l'esthétique dont ils disposent, chacun mettant en avant des éléments différents, en insistant sur ses propres priorités.

Ainsi, c'est en fonction du processus d'appropriation personnel engagé que les habitants appréhendent les résultats des réhabilitations. Les locataires jugent l'apport des travaux au regard des habitudes d'usage de leur logement développées au fil du temps, au regard des améliorations fonctionnelles et esthétiques qu'ils ont pu apporter, de l'image de leur cadre de vie qu'ils ont construite. C'est pour cette raison que les bilans qu'ils tirent des opérations sont si personnels, les mêmes travaux pouvant donner lieu à de multiples sources de mécontentement ou de satisfaction selon l'appropriation réalisée. Pourtant, cette appropriation personnelle des travaux de réhabilitation par les habitants est peu perçue par les professionnels qui tendent à considérer que les locataires sont globalement satisfaits par des prestations correctement réalisées, qui correspondent finement à leurs attentes et qui apportent une amélioration indéniable, excepté lorsque des problèmes techniques ponctuels se posent ou lorsque des habitants entretiennent de mauvaises relations avec les organismes et se montrent toujours insatisfaits. Mais cette perception globalisante des réactions des locataires par les professionnels néglige la multiplicité des opinions et des jugements émis par les habitants, qui prennent en compte les moindres modifications et leurs incidences sur l'accomplissement des gestes quotidiens et sur l'esthétique de l'appartement. L'évaluation des opérations qu'effectuent les habitants, forme d'appropriation de l'espace transformé, dépend de la sorte entièrement de l'appropriation préalable à la réhabilitation des logements.

Les réhabilitations sont ainsi anticipées, vécues, ressenties, interprétées, jugées en fonction des comportements d'appropriation développés par les habitants. Ceux-ci anticipent les opérations en fonction des aménagements et des améliorations qu'ils ont pu réaliser eux-mêmes et de l'image valorisée de leur logement qu'ils ont construite : c'est par rapport à ces comportements que les travaux sont redoutés car ils risquent d'abîmer des éléments positifs, et espérés car ils peuvent améliorer l'usage ou l'esthétique des appartements. Une fois réalisés, ils sont également jugés au regard de l'appropriation du logement avant la réhabilitation : de multiples points sont alors appréciés et évalué selon qu'ils sont favorables ou défavorables à l'usage de l'espace domestique et à la valorisation de son image.

Au moment de la phase de chantier, les locataires interviennent également directement pour obtenir les améliorations qu'ils souhaitent : ils engagent des négociations, parfois conflictuelles, avec les professionnels des organismes comme avec les ouvriers pour influencer les réalisations effectuées. Ils sont alors à l'origine des travaux réalisés, ce qui est un moyen de s'approprier les transformations réalisées, d'une part en se considérant comme leur auteur, et d'autre part en adaptant de façon cohérente ces modifications avec les pratiques d'usage et les représentations du logement.

La réhabilitation de l'espace domestique s'intègre de la sorte dans les processus d'appropriation : les habitants donnent sens à l'opération (ils considèrent les travaux comme nécessaires, réussis, partiellement décevants, etc.) au regard des comportements d'appropriation antérieurs qu'ils ont pu développer et s'approprient la transformation de l'espace en intervenant directement sur les réalisations effectuées, dans une phase de négociation, ou en réalisant de nouveaux travaux une fois l'opération achevée. Ces comportements s'observent sur chacun des deux sites, l'immeuble Paul Eluard et la résidence des Châtaigniers, sans que les différences mises en évidence dans la réalisation des opérations et la stratégie déployée par les organismes HLM ne soient favorables à l'émergence de différences de comportements des habitants.