VII. Chapitre 7 .
La réhabilitation sans grands effets sur l'appropriation de l'espace collectif

Si la réhabilitation vient modifier les espaces privés, elle concerne également pour une grande part l'espace collectif : des travaux sont réalisés en façade et dans les halls d'entrée, qui en modifient profondément l'aspect et l'usage. Des digicodes ont ainsi été installés à l'entrée des immeubles, les boîtes aux lettres ont été remplacées et déplacées dans l'immeuble Paul Eluard, des travaux sur les ascenseurs ont amélioré leur fonctionnement, les matériaux et les couleurs employés en façade ont été changés... Ces transformations sont donc réalisées sur l'espace matériel dont l'usage est commun et prennent de ce fait une dimension collective, car elles interpellent les comportements adoptés par l'ensemble du groupe d'habitants dans le respect des règles d'usages et d'attitude dans l'espace collectif.

En tant que modification de l'espace collectif, la réhabilitation s'inscrit dans le processus d'appropriation collective de l'espace : les comportements d'appropriation des habitants vont participer à son déroulement et dans un processus d'interaction, l'opération peut entraîner des effets sur ces comportements. Or le processus d'appropriation avant réhabilitation consiste essentiellement en l'identification de l'espace collectif et dans le respect de la norme relationnelle du «bonjour-bonsoir» (chapitre IV.). L'espace collectif est en effet identifié dans sa globalité (ensemble de l'immeuble ou de la résidence) comme un lieu pertinent et le groupe des habitants qui l'occupe lui est étroitement associé dans les représentations collectives auxquelles il donne lieu. Les habitants ont également institué une norme relationnelle qui ne s'applique que dans cet espace et qui vise à établir des contacts courtois et respectueux de l'intimité, ce qui passe par un contrôle des relations de voisinage. Cette identification et l'institution de cette norme ne donnent cependant pas lieu à la construction d'une forte identité socio-spatiale.

Il s'agit donc à présent de comprendre comment l'opération de réhabilitation va être influencée par ces comportements et quels effets elle peut avoir sur ceux-ci. L'espace collectif donne-t-il lieu à des représentations qui l'identifient et le valorisent de façon suffisamment claire pour que le groupe d'habitants se mobilise pour le défendre et pour influencer son amélioration de la même façon que chaque ménage négocie les travaux intérieurs (cf. chapitre VI.) ? Comment les habitants interprètent-ils collectivement l'opération, dans chacune de ses trois phases (avant, pendant et après travaux) ? Et la réhabilitation entraîne-t-elle une évolution des pratiques relationnelles, et éventuellement des normes, qui s'appliquent à l'intérieur de l'espace collectif ainsi que des comportements de valorisation de l'espace habité ?

Les deux opérations sont menées selon deux approches un peu différentes sur les deux sites (cf. chapitre V.). L'office de Gennevilliers cherche à répondre le plus finement possible aux attentes de ses locataires et pour ce faire, attache une grande attention aux processus de concertation. Le groupe 3F préfère quant à lui prendre pour objectif d'améliorer les logements en apportant satisfaction aux locataires, en recherchant des solutions qui répondent à la fois aux attentes des habitants, à la demande de clients potentiels, à ses propres impératifs de gestion et au souhait de la municipalité d'un embellissement de la résidence. C'est pourquoi il attache une plus grande importance aux travaux réalisés dans l'espace collectif, tandis que l'office de Gennevilliers intervient davantage à l'intérieur des appartements et se montre plus exigeant sur la qualité de la communication réalisée dans le cadre des concertations (multiplication des notes d'informations, des réunions) que sur les procédures de consultation des locataires (longs questionnaires individuels). Ces différences d'approche dans la conduite des réhabilitations par les organismes HLM entraînent-elles des différences dans les comportements d'appropriation de l'espace collectif adoptés par les habitants ?

Il s'agit donc à présent d'analyser la réhabilitation à travers le processus d'appropriation de l'espace collectif par les habitants, à partir des comportements d'appropriation collectifs préalablement mis en évidence et des différences de conduite des opérations par les organismes HLM. Cette analyse s'appuiera également sur les résultats précédents concernant la réhabilitation au sein du processus d'appropriation des espaces domestiques par les ménages.