VII.3.3.1.La réhabilitation comme une opportunité de contacts.

La réhabilitation est considérée par les professionnels des organismes HLM et par le couple présidant l'amicale des locataires comme une occasion d'entraîner le développement des relations sociales entre les habitants. Ces effets de la réhabilitation sont pour les uns comme pour les autres très favorables, car ils améliorent la vie collective. Au regard du travail que représente la préparation des soirées, les personnes qui s'en occupent sont tentées de souligner le succès de leurs efforts et sont convaincues que la réhabilitation et la dynamique qu'elle a entraînée, notamment au travers des repas, ont permis de développer des formes de convivialité et de solidarité au sein de l'immeuble.

Certains professionnels expliquent également avec beaucoup de satisfaction que leur intervention n'était pas seulement technique mais était destinée aux habitants eux-mêmes et qu'elle a fourni l'occasion d'un plus grand investissement des locataires dans leur espace privé comme dans l'espace collectif :

« Ce qui m'a surpris, c'est certaines réhabilitations au Fossé de l'Aumône, où les gens ont appris à se connaître, ça, ça m'a surpris. On est arrivé, on a fait les travaux, on a dérangé les gens, et plus dans les tours, parce qu'il y a des grands paliers, où les gens ne se connaissaient pas et n'avaient aucune relation entre eux, et on les a tellement bousculés, qu'ils ont commencé à se parler, et il y a des gens qui étaient isolés, qui ont... Ca nous a fait du bien de voir ça, que les gens, on a établi, on a poussé les gens à établir des relations entre eux, à discuter, à se parler, à critiquer le travail qu'on faisait parce qu'ils allaient chez l'un chez l'autre à regarder, même pour les ouvriers, c'est plaisant de travailler dans des conditions comme ça. De voir qu'on a fait autre chose que changer un évier. Voir qu'il y a des relations sociales qui se sont nouées, c'est plaisant. » (Pilote de chantier de l'office municipal HLM de Gennevilliers). ’

Pour cette personne, la réalisation des travaux intérieurs comme extérieurs est une belle opportunité pour les habitants de communiquer : la gêne occasionnée dans les appartements peut inciter des personnes âgées à s'installer momentanément chez leurs voisins, la crainte de réalisations inesthétiques peut pousser les personnes les plus inquiètes à aller se renseigner auprès des voisins chez lesquels les travaux ont déjà eu lieu… Cette effervescence provoquée par l'animation du chantier est perçue très favorablement en raison de la multiplication des contacts qu'elle entraîne, la solitude étant par ailleurs considérée comme une attitude contre laquelle il faut lutter.

Pour d'autres professionnels, comme la directrice de l'agence des Hauts-de-Seine du groupe 3F, l'effet d'entraînement sur les relations entre les habitants est perceptible mais peu important :

‘«Est-ce que ça [la réhabilitation] change les relations entre les habitants ? – Globalement, j'ai rarement constaté que ça pouvait changer les relations entre les habitants, ça peut créer une dynamique dans la résidence, dans la mesure où on voit souvent à l'occasion de ces réhabilitations, créer soit des amicales, soit des réunions de locataires, même sans le nom d'amicale. Il y a peut-être plus d'échanges des habitants entre eux, notamment au moment de la concertation et de la définition du plan de travaux. »

Si cette personne note que les échanges entre les habitants peuvent être plus nombreux, cet effet reste pour elle modéré. La différence d'approche entre l'office municipal de Gennevilliers et le groupe 3F est ici à nouveau perceptible : même s'il s'agit pour chacun des deux organismes de satisfaire les locataires, le premier cherche à entraîner de la solidarité et de la convivialité, tandis que le second cherche à répondre à l'attente d'un client (cf. V.2. et V.3.).

Enfin, certains professionnels de l'office municipal de Gennevilliers soulignent que cet effet de la réhabilitation sur les échanges tend à s'estomper au fil du temps, comme le note le responsable du service construction / réhabilitation :

‘«Vous voyez ça, au fur et à mesure que vous réhabilitez, c'est une façon de… – Oui, les gens rediscutent, ça retombe un peu, après , mais pendant, vous ne pouvez pas savoir ce qu'ils se serrent les coudes. Les gens reparlent entre eux, parce qu'ils subissent les mêmes problèmes donc ils en parlent. Et ça ouvre, ils apprennent à se connaître. Je sais que sur certains bâtiments, chaque fin d'année, chaque moment précis, ils se réunissent entre eux, ils prennent le coup ensemble, ils font des trucs ensemble. C'est important ça. »

Les professionnels des deux organismes s'accordent donc à dire que la réhabilitation entraîne une dynamique d'échanges entre les habitants qui se manifeste par des contacts plus nombreux et des relations d'entraide. Pour eux, cette dynamique peut être d'autant plus vive qu'elle est relayée par une association ou une amicale, même s'ils n'accordent pas la même importance à ce phénomène. Mais ils laissent également entendre que cette dynamique s'essouffle et qu'une fois l'effervescence du chantier terminée, les locataires tendent à reprendre leurs anciens comportements relationnels habituels. Les habitants insistent quant à eux bien plus sur la fragilité et la précarité de la dynamique lancée, lorsqu'ils en reconnaissent une, que sur la multiplication des échanges, qu'ils perçoivent peu ou auxquels ils n'attachent guère d'importance.