1.2. Des tensions socio-historiques

La plupart des auteurs prétendant traiter de pratiques d'éducation spécialisée (intégration scolaire, adaptation professionnelle, pratiques thérapeutiques, ...) ouvrent leurs études par une présentation de l'évolution historique, qui de la notion de handicap, qui des différentes classifications et nomenclatures, qui des modes d'orientation et de prise en charge. Il s'en suit souvent des compilations de références de deuxième ou n-ième main, souvent redondantes. Il en ressort que, même après près d'un siècle de débat, de recherche et d'exégèse, certains moments de la structuration du champ des pratiques d'éducation spécialisée restent l'objet de conflits d'interprétation, constamment réengagés par des acteurs souhaitant encore aujourd'hui légitimer ainsi telle ou telle proposition institutionnelle. Il n'est pas dans notre intention d'ajouter à ce brouhaha, mais nous pensons néanmoins qu'un rapide détour par le repérage des tensions socio-historiques qui ont structuré le champ de l'enseignement spécial permettra de mieux comprendre comment les différents acteurs ont pu l'investir, quelles représentations ou quelles idéologies ils ont pu développer et véhiculer, contre lesquelles ils ont eu à lutter et sans doute luttent-ils encore, quelles formes d'alliances ou de conflits ils ont générées, etc...

Pour ce faire, en survolant les recherches sur le sujet, nous tenterons de décrire comment autour de trois événements historiques (1909 : création des classes de perfectionnement ; 1943: naissance de l'Enfance Inadaptée ; 1975 : loi d'orientation en faveur des personnes handicapées) se mobilisent différentes forces sociales en une configuration conflictuelle. Nous pensons que ces considérations socio-historiques permettent de mieux appréhender les tensions qui traversent les institutions médico-éducatives et influencent les pratiques enseignantes qui s'y déploient.