2.2.3. Des relations significatives

Le relevé des valeurs tests, issues de la procédure "tableaux croisés" entre les variables constitutives de la dimension "caractéristiques institutionnelles des enseignants" ²²³ , permet de repérer quelles sont les relations de dépendance statistiquement les plus significatives:

L'ancienneté dans le poste apparaît comme un élément vraisemblablement indépendant des autres variables. Cela constitue, nous semble-t-il, un élément significatif : ni la qualification des enseignants, ni les caractéristiques ou le nombre de leurs élèves ne semblent avoir d'influence sur leur turn-over. Des opinions, selon lesquelles, par exemple, l'enseignement d'une telle catégorie d'enfants serait plus "usant" que celui de telle autre, ou qu'une petite équipe rend le travail plus gratifiant, voire qu'une catégorie professionnelle spécifique à ce secteur (les ETS particulièrement) aurait tendance à s'enkyster sur le même poste... sont donc plutôt infirmées par ces résultats.

Il n'est pas très étonnant de constater que la plus forte dépendance relie le type d'établissement et les caractéristiques des élèves accueillis : en effet, il y a une prescription administrative envers les différents instituts de prendre en charge les populations correspondant à leur statut. On peut certes s'étonner de certains écarts : le type "IMPro" est associée dans plus de 82% des réponses à la caractéristique "Déficient léger", contre 40% environ pour les types IMP ou IME. Mais en déduire que les enfants ou adolescents considérés comme déficients légers sont deux fois plus nombreux en IMPro qu'en IME serait un abus : on omettrait de tenir compte que, proportionnellement au nombre d'établissements, nous disposons de deux fois plus de réponses d'enseignants d'IMPro que d'enseignants d'IME...

C'est pourquoi il sera toujours hasardeux d'utiliser notre questionnaire pour tenter de décrire les établissements : notre projet est de comprendre les pratiques enseignantes. L'examen de la variable "qualification" en permet une première appréciation, si l'on observe avec attention sa dépendance avec les variables "type d'établissement" ou "nombre d'élèves" et surtout "caractéristiques des élèves". On relève par exemple les valeurs suivantes ²²⁴ :

La symétrie est frappante : plus le niveau de qualification ou de spécialisation de l'enseignant est élevé, moins la déficience caractérisant ses élèves est lourde. Cette information suscite deux formes d'interprétations :

• cette relation entre qualification des enseignants et caractéristiques des élèves rapproche le secteur particulier des EME de l'ensemble du champ scolaire où il est d'usage de confier aux professeurs les plus qualifiés les élèves les plus doués : à l'agrégé les classes préparatoires du lycée de centre-ville, au maître-auxiliaire la cinquième du collège de banlieue. Pour une fois, le champ de l'AIS n'échappe pas aux règles communes.
• en corollaire, cette relation laisse penser que le modèle de formation et de spécialisation des enseignants de l'Education Nationale est élaboré en fonction d'une représentation "légère" de la déficience, ce qui conduirait à ce que toute formation spécifique à l'enseignement spécialisé éloigne des publics les plus déficients... On peut dans ses conditions se demander ce que signifie le I du sigle CAAPSAIS, lorsqu'on constate que les titulaires de ce diplôme s'éloignent des élèves les moins performants, en un nouveau mouvement de ségrégation, au lieu de partir à leur rencontre, forts de leurs nouvelles compétences spécialisées.

Cette dépendance nette de la qualification des enseignants aux caractéristiques de leurs élèves explique les relations significatives entre cette variable et le type de l'établissement où ils travaillent :

La spécialisation éloigne environ 35% des instituteurs ou professeurs d'école des IME, établissements qui accueillent de façon privilégiée les élèves dits "déficients sévères ou moyens".