4.1.2. L'investissement des projets

Marie-Agnès Simon signale l'articulation qu'il peut y avoir entre la centration sur le métier ou l'établissement d'un enseignant et l'usage qu'il a des différents projets : "une diminution de la fonction enseignante se joue dans l'articulation du projet pédagogique et du projet institutionnel : le projet pédagogique peut se trouver alors peu différencié du projet institutionnel ou à l'inverse, l'absence de projet institutionnel déstabilise l'enseignant qui réagit par une passivité ou une hyperactivité. Il est aussi possible que le projet institutionnel soit le seul projet reconnu par l'enseignant au détriment de sa tâche." 266

Afin de mettre ce propos à l’épreuve, nous proposons d'évaluer quelles préférences les enseignants peuvent manifester entre les quatre formes de projets, qui, sauf exception, tentent de s'articuler dans la plupart des établissements :

Nous considérons ces deux formes de projet comme favorisant une centration de l'enseignant sur l'établissement. L'investissement de deux autres types de projet caractériserait plus une attitude de centration pédagogique :

Les réponses à la question : "Diriez-vous de ces outils qu'ils vous sont utiles pour enseigner?" peuvent être présentées ainsi :

Tableau n° 2-39 Utilité des projets : présentation des données

Très utile Peu Utile Inutile N'existe pas ou indisponible
Le Projet institutionnel
(ou d'établissement)
99
48.8%
80
39.4%
6
3%
18
8.8%
Le Projet pédagogique
( ou d'école)
105
53.3%
61
31.0%
5
2.5%
26
13.2%
Le Projet de Classe
(ou d'atelier)
167
83.5%
21
10.5%
3
1.5%
9
4.5%
Le Projet Individualisé
de l'enfant ou de l'adolescent
191
91.4%
13
6.2%
0
0%
5
2.4%

Il apparaît ainsi flagrant que les enseignants investissent tous les projets qui leur sont soumis : le plus fort taux de rejet n'est que de 3%, et paradoxalement concerne le projet auquel administrativement l'enseignant doit le plus explicitement souscrire, le projet institutionnel. On s'aperçoit également que l'opposition constituée par la centration de l'enseignant sur l'établissement ou sur le métier n'est sans doute pas la seule à structurer cette variable. Une opposition apparaît plus nettement : d'un côté, les deux projets les plus plébiscités, projet de classe et projet individualisé, que nous pourrions caractériser comme des projets de proximité, car concernant exclusivement, individuellement ou collectivement, les seuls élèves de l'enseignant ; de l'autre côté, deux projets relativement moins évoqués (autour d'une fois sur deux quand même) que nous qualifierions d'universels, car concernant l'ensemble des élèves de l'établissement. Cette constatation nous incite à opérer une nouvelle saisie des données en identifiant les quatre principales logiques d'investissement des projets :

Ainsi nous constatons que les logiques de centration sur l'établissement ou sur le métier que Marie-Agnès Simon nous convie à repérer, ne caractérisent que moins de la moitié des enseignants de notre échantillon. L'élaboration des projets individualisés, depuis maintenant plus de dix ans, conduit les enseignants à privilégier plutôt une logique de proximité qui tente visiblement d'articuler les recommandations collectives au sujet de chaque élève au projet particulier de chaque classe ou atelier.

Notes
266.

SIMON (Marie-Agnès), Enseigner à des élèves à la pensée troublée, op. cit,, p. 218