1.1.3. Les formes de l'accord

Commune réalisation volontaire d'acteurs libres, l'accord peut prendre plusieurs formes, de l'entente discrète pour éviter le différend à la mise au point de protocoles coopératifs ou de dispositifs collectifs, souvent trop complexes pour s’inscrire dans la réalité comme des outils efficaces de coordination de l'action. Chacune de ces formes se caractérise par l'usage qu'il est fait des principes supérieurs afin de légitimer des modifications de la réalité : "s'il est vrai que la dispute en justice porte fondamentalement sur l'équivalence, elle a bien pour objet principal une mauvaise affectation des objets. Critiquer, c'est-à-dire contester l'état des grandeurs en place, c'est en effet réclamer que les objets changent de main." 316

Ainsi, le compromis est la pierre angulaire de l'accord : il en est le nécessaire aboutissement même s'il n'en est qu'une modalité. Visée de tous, il est aussi, tant qu'il n'est pas stabilisé, l'objet des critiques de chacun. Le travail de l'accord peut ainsi débuter par la dénonciation d'un compromis antérieur, considéré par une des parties comme un arrangement entre les autres partenaires, comme une relativisation incompatible avec des principes nécessaires à l'action ou comme une clarification illégitime. Parce qu'il est ce qui fait tenir le mieux ensemble des mondes que les situations opposent, sans chercher à subordonner les uns aux autres les différents principes de grandeur, en mobilisant côte à côte des objets de qualités différentes dans des dispositifs souvent complexes, le compromis est la forme d'accord la plus aux prises aux attaques de la réalité. Il nécessite de la part des partenaires qui y sont engagés, le souci de le vivifier sans cesse, fût-ce par la critique, en mobilisant dans des formes d'échange renouvelées les objets qu'il ordonne.

Notes
316.

Ibid., p. 113

317.

BOLTANSKI (Luc), THEVENOT (Laurent), op. cit., p. 408

318.

Ibid., p. 268

319.

Ibid., p. 412

320.

Ibid., p. 414