Inspiré par les techniques de thérapie cognitive et la modélisation des situations de communication par la PNL , Pierre Vermersch a développé une technique d’entretien qu’il propose d’appliquer à différents champs de pratiques sociales : la formation, l’enseignement, la recherche. L’objectif principal de cette forme d’entretien est de permettre la verbalisation de l’action, a posteriori. Afin de favoriser l’expression de la part de l’interviewé du vécu de son action, Pierre Vermersch propose à l’interviewer de mettre en œuvre une technique de guidage de l’entretien vers une « position de parole incarnée », qui caractérise « le fait que le sujet soit vraiment en relation vivante avec ce dont il parle, au moment où il en parle. » 389 Parmi ces techniques de guidage, la formulation des relances visant à favoriser l’accès de l’interviewé à sa mémoire concrète, telle qu’elle peut être mobilisée, par exemple, par Marcel Proust lorsqu’il évoque Combray à partir de la sensation de miettes de madeleine sur son palais. « Cherchez la madeleine », exhorte Pierre Vermersch avant de présenter les règles du « questionnement sensoriel » :
Il importe que l’interviewer soit particulièrement attentif à la valorisation des informations procédurales, par la marginalisation des « informations satellites de l’action vécue » :
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Le savoir |
DECLARATIF Savoirs théoriques Savoirs procéduraux formalisés Consignes… |
Le faire |
PROCEDURAL Savoirs pratiques Déroulement des actions élémentaires Actions mentales… |
Le faire |
INTENTIONNEL Buts et sous-buts Finalités Intentions Motifs… |
Le but | |||
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On ne peut contraindre l’interviewé à transmettre seulement des informations dans le registre procédural. Pas plus que le chercheur, il n’aurait alors conscience de l’intelligence de ses pratiques, qui ne se révèle qu’en référence aux contextes, aux contenus mobilisés, aux intentions poursuivies. Mais il convient que l’interviewer se méfie de ces procédés de généralisation, qui mobilisent essentiellement la mémoire déclarative, et permettent à l’interviewé de s’échapper de son vécu.
Pour s’assurer que ce dernier occupe cette position de parole incarnée, le guide est particulièrement attentif aux références à une action singulière, réelle et spécifiée, c’est-à-dire qui s’est déjà déroulée, dans des circonstances précises et uniques : les indications de temps, de lieu, le nom des personnes, mais aussi les différentes sensations et impressions subjectives sont autant de données qui témoignent que la personne interviewée évoque une situation vécue, dans le détail de ses procédures.
Ainsi, très clairement, ce modèle d’entretien ne cherche pas à se conformer à une quelconque exigence de non-directivité : « opérer un guidage, c’est intervenir, c’est opérer des relances qui cherchent à influencer l’intention de verbalisation de l’interviewé. » 392 Cette directivité est revendiquée par l’informateur qui demande à être aidé, encouragé, sécurisé… La conviction que le chercheur participe à son effort en maintenant activement une contrainte constitue un étayage nécessaire pour que l’interviewé accède à des informations jusqu’alors même de lui inconnues.
Néanmoins cette directivité ne s’applique qu’aux contenants. En ce qui concerne les contenus verbalisés, Pierre Vermersch propose « d’accompagner l’interviewé vers une expression libre de ce qu’il peut dire, (de) l’aider à le faire avec ses propres mots. (…) Les contenus sont donc accueillis de manière non-directive pour autant qu’ils appartiennent à un des contenants visés par l’explicitation. » 393
Cette directivité circonstanciée, cette contrainte parfois imposée, nécessitent un contrat de communication spécifique : « dans l’entretien d’explicitation, le contrat de communication repose sur une question posée en passant, de façon non formelle, pour demander à l’autre son accord personnel sur le fait d’être questionné, de continuer à l’être, de reprendre un point d’une manière plus détaillée. » 394
VERMERSCH (Pierre), Glossaire de l’explicitation, in VERMERSCH (Pierre), MAUREL (Maryse), op. cit., p. 234
VERMERSCH (Pierre), L’entretien d’explicitation, op. cit., p. 96-97
D’après VERMERSCH (Pierre), L’entretien d’explicitation, op. cit., p. 45
Ibid., p. 156
Ibid., p. 157
VERMERSCH (Pierre), Glossaire de l’explicitation, op. cit., p. 224