3.1.2. Qualifier

En effet, l’analyse qualitative d’un contenu de corpus d’enquête articule de multiples opérations cognitives. « Analyser qualitativement un matériau de recherche, c’est observer, percevoir, ressentir, comparer, nommer, juger, étiqueter, contraster, relier, ordonner, intégrer, vérifier, ; c’est tout à la fois découvrir et montrer que ceci est avant/après/avec cela, que ceci est plus important/évident/marqué que cela, que ceci est le contexte/l’explication/la conséquence de cela ; c’est replacer le détail dans un ensemble, lier un sentiment à un objet, rapporter un événement à un contexte ; c’est rassembler et articuler les éléments d’un portrait éclairant, juger une situation, dégager une interprétation, révéler une structure, construire ou valider une théorisation ». 410

Plusieurs critères permettent de valider la démarche d’attribution d’une qualité commune à un ensemble de données. Alex Mucchielli en décrit cinq 411  :

  • l’acceptation interne, qui « désigne le degré de concordance et d’assentiment qui s’établit entre le sens que le chercheur attribue aux données recueillies et sa plausibilité telle que perçue par les participants à l’étude ». 412 Notre propre situation d’enseignant en EME durant les premiers temps de cette enquête, la fréquentation quasi-quotidienne de nos pairs, nous protège d’un risque de discordance. Toutefois, nous avons pu noter, au moment du recueil de données, que certains instituteurs interviewés pouvaient être surpris par notre mode de catégorisation des enseignants incluant professeurs et éducateurs. Après l’entretien, nous avons réussi, le plus souvent, à dissiper leur incompréhension.
  • la cohérence interne, qui « réfère à l’argumentation logique et fondée que le chercheur communiquera dans sa recherche. Les résultats, les interprétations, les hypothèses de travail sont plausibles compte tenu des données recueillies et de l’analyse effectuée ». 413 Nous ne pouvons, seul, juger de la cohérence interne de cette recherche. Cependant, le fait que notre analyse s’appuie, en dehors des données recueillies lors des entretiens, sur l’étude de la littérature disponible et l’analyse des réponses au questionnaire, permet de réduire les principaux risques d’incohérence
  • la complétude, critère qui s’applique « à la qualité de l’interprétation des résultats d’une recherche. Le critère de complétude est atteint lorsque l’interprétation des résultats optimise la plus grande variation possible entre les catégories d’analyse retenues ». 414 Le recours à des schémas simples, aux différentes étapes de notre analyse, contribue à attester de sa complétude.
  • la saturation, qui « désigne le moment lors duquel le chercheur réalise que l’ajout de données nouvelles dans sa recherche n’occasionne pas une meilleure compréhension du phénomène étudié ». 415 Le dernier entretien mené montre bien, par sa brièveté, le faible apport d’Elie à la description du phénomène. Malgré une position institutionnelle particulière et une situation évoquée très originale, il ne nous renseigne que sur peu de modalités nouvelles d’accord interprofessionnel. De même, les successifs examens du corpus génèrent progressivement des effets de redondance qui nous interdisent de multiplier les grilles d’analyse.
  • la confirmation externe qui « correspond à la capacité du chercheur d’objectiver les données recueillies ». 416 Nous allons particulièrement développer les techniques mises en œuvre pour répondre à cette exigence, dans les différentes étapes de notre démarche d’analyse de contenu.

Notes
410.

PAILLE (Pierre), MUCCHIELLI (Alex), op. cit., p. 24

411.

Critères de validation des méthodes qualitatives, in MUCCHIELLI (Alex) et al., Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales, Paris, Armand Colin, 1996, pp. 264-265

412.

Critère d’acceptation interne, ibid., p. 9

413.

Critère de cohérence interne, ibid, p. 25

414.

Complétude, ibid., p. 28

415.

Saturation, ibid., p. 204

416.

Critère de confirmation externe, ibid., p. 35