3.2.3. Catégorisations et codages

Découper les entretiens en propositions mobilise des procédures implicites de codage, justifiées par la perspective d’analyse selon des dimensions précédemment isolées : mondes de référence, dispositifs de rencontre, formes d’accord... Le deuxième temps du travail d’analyse, la phase de transposition, explicite et systématise l’activité de catégorisation. « Il existe lors de cette étape un travail constant de déconstruction-reconstruction, décontextualisation-recontextualisation à travers lequel s’opère un brassage profond d’idées, de perspectives, de points de vue, qui débouche sur un réarrangement ou une nouvelle mise en valeur des données de départ ». 423

Les entretiens font l’objet de trois opérations successives de codage, chacune générant quelques remises en causes des affectations précédentes. Dans un premier temps, nous repérons quel monde de référence évoque chaque proposition, en isolant un terme se rapportant à un objet, une qualité ou une relation, précédemment listé dans les répertoires de nos trois mondes 424 . Nous procédons ensuite à un second codage, selon le type de dispositif institutionnel mobilisé par l’enseignant. Nous différencions ainsi des fragments de discours regroupant généralement plusieurs propositions, et permettant une contextualisation des premiers codages. Les premières étapes de notre recherche permettent de disposer de grilles de codage :

Tableau n°3-11 Grilles de codage des entretiens (1)
Mondes de référence évoqués
(MR)
Ressources mobilisées
(Res)
NS Normalisation Scolaire Adaptation en classe 1
PR Praxis et Relation Rencontre entre enseignants 2
RC Rupture Communautaire Rencontre avec les éducateurs 3
   
Rencontre pluridisciplinaire 4
Réunion entre enseignants 5
Réunion pluridisciplinaire 6
AQ Cette cotation signale les relances Ressource extra-institutionnelle 7
   
Modification de l’organisation pédagogique 8
Modification de l’orga. institutionnelle 9

Ces opérations de codage nous confrontent aux mêmes difficultés d’interprétation que lors du dépouillement du questionnaire : selon quels critères peut-on assimiler tel objet marginal à tel monde ? Comment qualifier telle pratique locale de rencontre, à peine évoquée par un enseignant ? Nous faisons alors à nouveau l’expérience de la nécessaire proximité du chercheur et de l’informateur : « on s’intéresse particulièrement aux moments, qui interrompent le cours normal de la chaîne statistique, où les codeurs ont l’impression que les consignes distribuées ne suffisent plus à soutenir leur travail. Ces moments de doute apparaissent particulièrement lorsqu’ils doivent affecter à l’une ou l’autre des catégories de la nomenclature des cas qui leur paraissent incertains ou qui éveillent leurs soupçons». C’est de cette manière que Luc Boltanski et Laurent Thévenot 425 expliquent que « l’un des enseignements principaux de ces recherches est de mettre en lumière la similarité entre la façon dont une personne, pour rendre compréhensible sa conduite, s’identifie en se rapprochant d’autres personnes sous un rapport qui lui semble pertinent et la façon dont le chercheur place dans une même catégorie les êtres disparates pour pouvoir expliquer leurs conduites par une même loi ».

Ainsi, l’activité systématique de codage ne rompt pas l’approche compréhensive : éclairé par des concepts, le chercheur réinvestit le corpus et tente, d’hésitation en interprétation, de réajuster sa lecture au discours de l’interviewé.

Notes
423.

PAILLE (Pierre), MUCCHIELLI (Alex), op. cit., pp. 30-31

424.

Infra., pp. 146-147

425.

BOLTANSKI (Luc), THEVENOT (Laurent) , De la justification. Les économies de la grandeur, op. cit., p. 15