3.2.4. Construction des séquences « Accords »

Ces deux premières codifications stabilisées, nous procédons à une nouvelle lecture des entretiens afin d’établir quelles sont les formes d’accord recherchées ou mises en œuvre par les enseignants, selon la grille suivante :

Tableau n°3-12 Grille de codage des entretiens (2)
Forme d’accord recherchée
(Acc)
Cote
Refus d’accord (déni, fuite) 1
Arrangement privé 2
Retrait hors des mondes 3
Clarification dans un monde 4
Compromis entre plusieurs mondes 5

Mais la démarche de rapprochement entre les discours des interviewés et les différentes modalités d’accord est plus complexe que celles précédemment mises en œuvre. Une lecture attentive permet, la plupart du temps, d’assimiler une proposition à un monde de référence. Une expérience des fonctionnements institutionnels aide à identifier les pratiques de réunion, même les plus confusément mentionnés. Mais différencier une conduite de retrait hors des mondes d’un processus de clarification nécessite un examen approfondi de chaque proposition des séquences considérées. Dans ce but, l’examen des deux codages antérieurs est très instructif. En effet, c’est essentiellement en considérant les fragments d’entretiens consacrés à la pratique de rencontres ou à la mobilisation de dispositifs de réunion que nous pouvons repérer des récits de construction d’accord : sauf exception, nous ne considérons pas qu’il peut y avoir accord en dehors des instances collectives. C’est en observant quels mondes sont évoqués dans ces passages que nous distinguons la figure du compromis de celle de la clarification : quand cette dernière exige un seul monde de référence, le compromis en articule au moins deux.

C’est donc par une nouvelle lecture du corpus, assistée de l’examen des deux autres codages, que nous parvenons à déterminer quelles propositions peuvent être rapprochées des formes théoriques de l’accord. Cette triple cotation s’effectue sur des colonnes contiguës, comme l’indique à nouveau l’exemple de l’entretien de Jean :

Tableau n° 3-13 Exemple de codage des entretiens.(Entretien n°3 : Jean. Propositions 552/566)
MR Res Acc Proposition
552     5 je n'avais pas beaucoup à insister pour que
553 PR   5 elle se mette à pleurer
554 PR   5 c'était vraiment une grande tristesse,
555 PR   5 c'était une grande souffrance et pour elle et pour moi
556     5 Et … il ne faut pas insister
557     5 parce que c'est vraiment le mauvais chemin
558   2 5 et à ce moment-là, je préfère en parler avec Marcel,
559   2 5 et qu'on prenne une heure ensemble à en parler
560   2 5 et puis ça permet de prendre du recul par rapport à une situation pour dire:
561   2 5 "je n'ai pas le droit non plus d'insister autant"
562   2 5 même si ma responsabilité elle est que
563 NS 2 5 au bout de quatre ans ensemble, elle sache mieux lire, écrire
564 NS   5 ce qu'on attend aussi de moi dans l'école, par rapport aux enfants qui me sont confiés
565 NS 1 5 mais changement de pratique, …c'est pas… c'est pas si simple non plus de changer ses pratiques quoi.
566       C'est une vaste question.

A la vue de ce tableau, nous constatons que, d’une part, Jean déclare solliciter une rencontre (« rencontre spontanée avec un enseignant », cotée 2 dans la colonne Ressources), et d’autre part, il articule l’évocation des mondes Normalisation Scolaire et Praxis et Relation. Aussi analysons-nous avec soin, avant de procéder à la dernière catégorisation, dans quelle mesure on peut identifier une recherche de compromis. En l’occurrence, Jean exprime bien la tension entre les exigences des deux mondes, le changement de perspective (« prendre du recul ») qui permet de concilier la priorité donnée à un principe (« l’école pour moins souffrir ») et des pratiques scolaires inchangées.

On observe que la plupart des propositions ne sont pas cotées dans chacune des colonnes : même, la dernière de l’extrait n’est reconnue dans aucun des grilles de lecture. Un rapide comptage permet de repérer qu’en effet, ces modes de catégorisation ne permettent de coder qu’une minorité de propositions :

Tableau 3-14 Quantité de propositions cotées (en pourcentage des propositions-réponses)
Entretien :
Numéro + pseudonyme
Propositions
cotées
« MR »
Propositions
cotées
« Ressources »
Propositions
cotées
« Accords »
Eglantine 30 54 52
Gaspard 38 35 28
Jean 44 38 34
Nadine 37 32 31
Mylène 35 61 54
Gautier 36 31 25
Christiane 43 30 41
Aubin 43 23 22
Xavier 35 14 21
Danielle 43 44 27
Yvonne 47 28 09
Carla 44 46 24
Laszlo 28 31 23
Ahmed 27 33 14
Pervenche 39 57 38
Octave 36 17 19
Bérénice 36 62 34
Ernest 37 50 36
Elie 58 28 29
(moyenne) 39 38 30
(écart-type) 7 14 11

Autour d’un tiers des propos sont cotés, dans chacune des catégories. Mais, si les moyennes sont comparables (un petit ou un bon tiers des propositions), il n’en va pas de même des écarts-types qui varient du simple au double. Ce qui permet d’entrevoir que les enseignants investissent les mondes de référence de façon comparable, alors qu’ils mobilisent des dispositifs, ou cherchent à construire des accords, selon des modalités nettement plus différenciées selon les contextes singuliers.

Ces catégorisations effectuées, les propositions codées dans la catégorie « formes d’accords recherchées » sont agrégées selon leur cote 426 . On isole ainsi des suites de propositions caractérisant chaque forme d’accord pour chaque enseignant interviewé, dénommées séquences « Accords ». L’examen attentif de ces séquences constitue l’étape terminale de l’analyse des données.

Notes
426.

Par une simple opération de tri dans la colonne considérée, sous Word.