1.1.6. La clôture scolaire

Nous proposons de rassembler ces diverses dimensions sous la forme schématisée suivante :

Tableau n°4- 03 Ressources scolaires : présentation schématique
Tableau n°4- 03 Ressources scolaires : présentation schématique

Ainsi, on constate que les enseignants investissent l’espace scolaire comme espace de ressources selon deux demandes nettement distinctes, selon qu’ils se trouvent à l’intérieur ou à l’extérieur de leur classe ou de leur atelier. Durant leurs temps d’enseignement, ils cherchent à diversifier les dispositifs pédagogiques, en multipliant les approches méthodologiques, variant leur distance à l’élève pour susciter sa motivation. Dès que la porte s’ouvre, ils peuvent entrer en communication les uns avec les autres. Mais loin de débattre des conditions d’enseignement qu’ils ne cessent de mettre en œuvre isolément, ils investissent des formes d’échange où ils demandent avant tout à être rassurés. Ce n’est que très ponctuellement que la conversation est technique : composition des groupes de travail entre Jean et son collègue Marcel, élaboration d’un programme pour Pervenche ... Elie tient même à préciser qu’on se doit, « bien sûr », entre enseignants, de « se cacher des choses ».

Cette discrétion tranche avec l’insistance que, tant dans la bibliographie rassemblée que dans les réponses au questionnaire recueillies, professeurs et éducateurs mettent à évoquer leur constant souci d’adaptation. Dans cette perspective, nous nous attendions à davantage de demandes d’information. Or, le registre privilégié des enseignants lorsqu’ils communiquent entre eux semble être le besoin de respiration. Mettant en évidence leurs similitudes d’expérience, ils construisent une représentation commune de l’élève, avant tout déculpabilisante : « avec cet élève là, semblent-ils se répéter mutuellement, personne n’y arrive mieux que toi ». Lorsqu’ils insistent au contraire sur leurs différences de statuts ou de rôles (par exemple quand des adjoints font intervenir le responsable pédagogique pour écarter un élève de la classe), c’est dans des situations d’urgence qui ne permettent pas d’argumenter, en vue d’une élaboration commune.

Cependant, certains enseignants s’efforcent d’articuler leurs pratiques scolaires en une stratégie cohérente. C’est le cas d’Ernest, professeur d’école, par l’organisation coopérative de sa classe, ou de l’éducatrice Pervenche, qui cherche à construire un parcours d’intégration. pour un élève souffrant de lourdes déficiences. Mais l’un comme l’autre témoignent de la nécessité d’un regard extérieur, pour mener à bien leurs entreprises. Ernest partage une grande partie de ses activités avec une éducatrice spécialisée. Pervenche fait valider par l’institution les différentes étapes des négociations qu’elle mène avec l’institutrice. Ainsi, l’exploitation des ressources scolaires permet de rendre l’école moins « concentrationnaire » que ne peuvent la vivre certains enseignants, mais en la constituant comme un petit monde à part, un « module » chaleureux et convivial peut-être, mais clos sur lui-même. Seule la perspective interprofessionnelle semble à même de rompre cet inquiétant isolement.