Chapitre 3 Construire des accords

La procédure systématique de codage des entretiens proposition par proposition et l’agrégation de ces dernières en séquences permettent de repérer que la recherche d’accord est une activité commune à (presque) tous les enseignants interrogés. Mais l’aboutissement de leur démarche en élaboration collective d’un compromis ne représente qu’une modalité minoritaire de ce travail. Les procédures de relativisation et retrait hors des mondes, mais surtout de clarification dans un seul monde paraissent les plus employées. mais, au delà de ces tendances, on ne peut dégager de profils-types par ec seul regard quantitatif.

En effet, il est nécessaire d’observer plus en détail la logique de chaque entretien, reflet de la cohérence de chaque démarche. Ainsi, on peut évoquer un arrangement en dénonçant les pratiques d’un collègue ou en justifiant sa propre action ; on peut décrire un compromis réellement mis en œuvre, ou en présenter un hypothétique projet... Après avoir étudié attentivement chaque discours, nous pouvons donc présenter notre corpus de façon ordonnée :

Nous pouvons repérer quatre classes.

• Six enseignants décrivent des pratiques que nous situons « en deçà des accords ». Il s’agit essentiellement de stratégies de refus ou d’arrangements. Victimes de fonctionnements institutionnels peu propices à la concertation (Laszlo et Ahmed, Gautier et Christiane), ou découragés suite à des expériences malheureuses (Xavier, Carla), ils témoignent de la difficulté de s’ouvrir aux autres.
• L’investissement des espaces de concertation interprofessionnelle permet à cinq professeurs de multiplier les pratiques de clarification, qui les éloignent d’un véritable processus d’accord en compromis. En situation limite de l’action pédagogique, l’éducatrice Bérénice tente au contraire d’inscrire peu à peu son élève en situation de très lourd handicap dans l’espace commun de l’accord.
• Malgré les difficultés, quatre enseignants parviennent à maintenir une voie ouverte vers des pratiques proches du compromis interprofessionnel. Pervenche perçoit les risques de clarifications et s’acharne à ne pas s’en contenter. Faute de mieux, Aubin, Jean ou Ernest valorisent des pratiques d’accords aux limites de l’espace interprofessionnel
• Enfin, deux instituteurs et un éducateur disent la richesse et la fragilité des accords en compromis, en mettant en valeur leur dimension paradoxale, qui exige de l’enseignant un fort engagement.

Afin de rendre compte de la richesse des démarches individuelles, nous présentons successivement les dix-neuf acteurs, en repérant dans leurs récits d’expérience les éléments partagés. Dans ce but, nous isolons pour chacun la ou les séquences d’accord les plus significatives, afin d’en extraire les arguments de justification ou de dénonciation.