3.1.5. Xavier ou la mauvaise volonté

Xavier ne fait pas beaucoup d’effort pour faire croire à la qualité de sa participation au collectif. Nous avons déjà évoqué son questionnement pédagogique minimal, et son souhait avoué de prendre la place du directeur. Certes, il n’évoque aucun dispositif de réunion, et guère plus d’occasion de rencontre avec ses collègues. Il aime se présenter comme un pédagogue instinctif qui sait « palper » quand ça « accroche ». Et quand il mentionne le cadre institutionnel, c’est pour regretter les limites qui le contraignent.

Cependant, l’examen attentif des procédures employées laisse apparaître que l’éducateur a engagé à plusieurs reprises des tentatives d’accord. Il reste sur un profond sentiment d’échec, qui peut expliquer son attitude caricaturale.

152     4 et puis on n'a pas fait notre boulot, quelque part
153 PR   4 donc à mon avis, c'est un gamin qu'on a foutu en l'air,
154 PR   4 parce que s'il était perturbé comme ça,
155 PR   4 s'il provoquait sans cesse l'adulte,
156     4 c'est qu'il y avait quelque chose
157     4 et nous on n'a pas fait ce qu'il fallait:
158     4 je pense qu'on n'a pas fait notre travail

Dans cette séquence, quoi qu’il en dise, Xavier analyse la situation en se démarquant de sa posture d’instinctif. Il parle de comportements constatés par tous, et mesure la portée psychologique de l’action collective. Il se réfère explicitement à un monde connu, en admettant l’existence d’un principe commun qui lie l’attitude de tous les adultes à l’état d’un enfant.

A deux reprises, il suggère une solution en proposant une clarification cohérente dans le monde de la Rupture Communautaire.

289 RC 7 4 alors moi, j'ai dit: "Il faut qu'on fasse un placement justice",
290 RC 7 4 on l'aurait placé dans un autre établissement comme on a à côté de Privat,
292 RC 7 4 donc ils ont un juge qui les suit,
294 RC 7 4 là-bas, ils sont beaucoup plus cadrés que dans un établissement comme ici,

Avec pertinence, il dénonce l’arrangement que semblent conclure les parents et le directeur.

164   7 2 bon après il y a le rendez-vous avec le directeur,
165   7 2 la mère ou les parents viennent,
166   7 2 et puis: "on promet que ça se passera mieux"
167   7 2 le truc classique quoi!, et puis le lendemain ça recommence.
168   7 2 Alors ça, ça a été fait des dizaines de fois et des dizaines de fois,

Mais toutes ces procédures louables alternent avec des appréciations qui laissent penser que la négociation n’est pas le domaine privilégié de l’éducateur. Par exemple, à une concertation préalable avec sa collègue, il préfère amener lui-même son élève chez la psychologue. De même, il regrette régulièrement les limites de sa fonction, laissant entendre que des mesures plus coercitives que celles qui lui sont autorisées lui permettraient d’aider plus efficacement ses élèves. Peut-être ce ne sont là que des provocations à notre égard. Dans le cas contraire, on peut penser que l’espace interprofessionnel de construction d’éventuels accords joue pour Xavier ou pour Christiane des rôles opposés. Il permet à l’institutrice d’extérioriser sa colère et de s’autoriser une transgression. Il retient l’éducateur, en l’inscrivant a minima dans un réseau langagier signifiant, et en mettant en retrait ses dérives instinctuelles.