3.2.3. Danielle ou la mise à distance

Danielle (10) pourrait passer pour une experte en clarification : près de 70% des propositions qu’elle consacre aux accords relèvent de cette procédure.

Dans le cadre de rencontres fréquentes et spontanées avec le psychologue de l’établissement, l’institutrice-directrice analyse les moments de crise d’une élève particulièrement difficile. Au fil des séances, les deux partenaires s’attachent à aborder successivement les aspects les plus problématiques du sujet : la personnalité de l’enfant (154-170) ; les facteurs déclenchant la crise (261-675) ; les modalités de retour au calme (245-256).

Il est question entre les deux professionnels d’évoquer des situations précises, mais qui ne sont décrites qu’en référence à un monde, Pra xis et Relation, sans recherche de complexité. Les acquisitions scolaires, ou les préjudices causés au reste de la classe, ne sont pas évoqués. Car au terme du travail, ce n’est pas l’amélioration de l’état de l’enfant qui est visée. Il s’agit en revanche d’une mise à distance de l’enfant, réduite à « une présence à gérer en classe », et remplacée par une « problématique familiale », enjeu de l’échange des adultes :

295.   4 4 Parce que je n'avais pas l'impression de ressortir sans rien,
296.   4 4 c'est à dire que j'avais très bien entendu
297. PR 4 4 tout ce qu'il avait pu avancer par rapport à l'analyse de cette jeune fille
298. NS 4 4 et (...) qui m'aidait aussi à gérer en classe, sa présence;
299.   4 4 et que ça permettait de comprendre à certains moments pourquoi,
300. PR 4 4 pourquoi elle était comme ça,
302. PR 4 4 ou de comprendre sa problématique familiale, et en même temps la sienne,
303.   4 4 parce qu'elle, (...)
304. PR 4 4 est gênée à certains moments par cette maman qui lui donne raison
305. PR 4 4 mais qui la considère aussi je crois comme une petite fille,
306. PR 4 4 alors qu'elle elle a grandi

Le travail de clarification qui suppose le retrait provisoire vers un seul monde risque de muer progressivement en entreprise de relativisation. Certes, les partenaires mobilisent des objets connus de tous et référés à un registre facilement repérable. Ils peuvent ainsi identifier chacun une situation exemplaire de leur expérience professionnelle : pour Danielle, les moments de crise ; pour le psychologue, la représentation de la problématique familiale. On peut distinguer quelques éléments qui laissent penser que ce partage dérive vers une conception plus définitive de la priorité accordée au monde Praxis et Relation : le questionnement unilatéral du psychologue par l’enseignante, l’évocation par cette dernière des « erreurs » (274) que leurs échanges lui permet désormais d’éviter, la satisfaction intellectuelle de comprendre « la problématique familiale » de son élève...