3.3.2. Pervenche ou les voies détournées

Pour espérer parvenir à un compromis à l’issue de la synthèse, et ainsi permettre à son élève fragile de bénéficier dans les meilleures conditions d’une intégration scolaire, Pervenche fonctionne d’abord par arrangements avec l’institutrice, « officialisés » (370) par la suite. Forte du succès de cette première étape, elle rencontre différents partenaires dans des démarches successives de clarification : dans le monde de la rupture communautaire autour des objets « groupe » ou « classe » (216-219) ou dans celui de la Normalisation Scolaire, à partir de l’évaluation des compétences de l’élève (257-267).

Mais l’éducatrice sait engager ses collègues sur la voie de la recherche de compromis, par une attitude assez paradoxale. Elle semble vouloir refuser toute forme d’accord, en usant d’arguments d’autorité :

115.   2 5 Moi qui suis éducatrice et qui…
116.     5 bon, je suis assez ancienne et j'ai vu beaucoup de cas,
117. PR 2 5 je sais qu'un enfant fragile peut tout à fait perdre beaucoup si on le…
118. RC 2 5 enfin je ne veux pas dire qu'on le balance,
119. NS 2 5 mais enfin, si on le met dans du normatif trop trop vite,
120. NS 2 5 il peut aussi perdre ce qu'il a acquis,

En même temps, elle tient à relativiser, admettant que toute opinion peut être légitimée par les différences de pratique ou de fonction :

239. RC 6 3 selon si l'on est avec lui dans le groupe ou si l'on est un peu plus extérieur,
240.   6 3 on le voit déjà certainement différemment.
241. PR 6 3 Et je pense qu'on ressent le travail avec lui certainement très différemment,
242. RC 6 3 donc, c'est vrai que la personne qui a déjà un groupe important,
243.   6 3 ne voit pas très bien comment elle va faire avec cet enfant, certainement;
244. RC 6 3 alors que nous qui l'avons dans un groupe restreint, à deux,
245. PR 6 3 on voit le côté positif certainement plus important,

Ainsi, le moment de la synthèse lui semble propice pour proposer un compromis au collectif interprofessionnel : « inventer un groupe privilégié qui scolarise et qui protège » (134-158 ; 189-195). On distingue dans cette formulation resserrée les deux caractéristiques essentielles du compromis : articuler des objets de mondes différents, dans une configuration provisoire. Pervenche ne cherche pas à proposer la solution définitive qui pourrait s’appliquer à tout l’établissement. Au contraire, elle reconnaît le privilège fait à son élève, destiné comme tout privilège à être dénoncé, et aboli.

Expérimentée, l’éducatrice prévoit l’éventuel échec de cette démarche. Elle est prête à reprendre le chemin (308-314) pour convenir avec l’institutrice de nouveaux arrangements, à officialiser.