3.3.4. Ernest ou la voie de dégagement

Grâce à sa collaboration avec une éducatrice, Ernest développe une pratique quotidienne de l’accord. L’organisation de sa classe, inspirée des modèles de pédagogie coopérative, lui permet d’alterner avec ses élèves temps d’apprentissages et de régulation. La présence de sa collègue l’invite à des concertations très fréquentes. De plus, la convivialité de l’établissement autorise des contacts faciles avec la psychologue ou Elie, le directeur.

Familiarisé avec les contingences du travail en équipe (il décrit longuement son expérience de directeur de centre de vacances), l’instituteur se fait un devoir « d’anticiper au maximum » (450). Dans ce but, il élabore en réunion interprofessionnelle des projets écrits qui assurent la coordination de l’action (235-242). Ainsi, il peut réduire toutes les difficultés, de relativisation en clarification. En classe, un enfant ne s’entend pas avec lui ou l’éducatrice ; l’autre partenaire prend le relais (181-184). Si aucun des deux ne trouve de solution, ils passent le relais au psychologue (301-312).

Mais, dans la pratique interprofessionnelle de l’enseignant, aucun espace ne semble laissé à la possible instabilité d’un compromis. En revanche, dans une démarche que l’on pourrait qualifier de prosélytique, Ernest cherche dans l’environnement extra-institutionnel l’espace du compromis :

100. RC 3 5 Notre ambition avec Juliette, c'est d'établir des liens, à tous les niveaux:
101. RC 3 5 c'est à dire des liens entre nous et les enfants, entre les enfants, entre l'école, l'IME (on appelle ça l'école) l'école et les familles, entre les familles, aussi,
102. RC 3 5 quand on invite les familles à des présentations de ceci ou de cela, à la fête de l'école, etc.,
103. RCPR 3 5 tisser des liens pour essayer de faire en sorte que d'une part le jeune se sente suivi, aidé, accompagné,
104. RCNS 3 5 et on a essayé de faire en sorte depuis deux ans de proposer avec les familles la mise en place d'activités extrascolaires,
105. RCNS 3 5 c'est à dire que un certain nombre d'enfants quand ils rentrent chez eux certains soirs de la semaine aient une activité, style natation, style danse, etc.
107. RC 3 5 (que l’enfant voie) que la vie ne s'arrête pas à la porte de l'école, quoi,
108. RC 3 5 qu'on peut faire des choses au-delà.
109.   3 5 Et ce n'est pas facile de faire du lien.

Tant que cette démarche s’inscrit dans la fragilité du compromis, ces liens relient et permettent la liberté des acteurs, adultes ou enfants. Mais il faut pour cela savoir renoncer à l’illusion de maîtrise des projets écrits et des accords prévisibles. Sinon, ces liens ligotent et aliènent.