3.4.2. Eglantine et les vertus du virtuel

Eglantine est confrontée à un problème que connaissent bien des établissements : que faire des élèves qui ne peuvent rester en classe ? L’équipe réunie propose une idée, sous forme de compromis (489-497), le lieu-ressource. Ce compromis est aussitôt dénoncé :

499   9 3 les psys nous disaient
500   9 3 que ce temps ou ce lieu ne devaient être que virtuels
501   9 3 alors moi je veux bien qu'on fonctionne avec du virtuel
502   9 3 mais moi j'ai besoin de concret

Alors, cette proposition est abandonnée et les élèves indésirables en classe sont accueillis à l’infirmerie. Mais l’institutrice n’est pas satisfaite par ce fonctionnement. Lorsqu’elle demande à une de ses élèves de quitter la classe, elle a l’impression de l’exclure, de plus vers un lieu particulièrement connoté. La jeune fille, d’ailleurs, lui fait remarquer avec grande pertinence, le peu d’intérêt d’un lieu de soin pour une mauvaise élève :

650   4 5 Sans arrêt, elle me disait:
651 PR 4 5 "Mais je suis pas folle"
652 PR 4 5 ou " je suis folle"
653 NS 4 5 quand elle ne savait pas,
654 NS 4 5 quand elle était en difficulté
658 PR 4 5 elle parlait sans arrêt de la folie
659 RC 4 5 "Vivement que je parte d'ici…"
660   4 5 Fallait l'entendre, ça aussi, mais bon…
661   4 5 je ne pouvais pas l'entendre, je crois

Notons au passage l’articulation des trois mondes dans ce bref énoncé, et la surdité d’Eglantine à ce compromis implicite. L’enseignante atteste que l’accord n’est acceptable qu’au calme des rencontres et des réunions.

Dès lors, l’institutrice s’efforce de mettre au point un dispositif d’accueil qui ne soit pas une solution d’exclusion. Après quelques clarifications avec l’infirmière (201-216) ou les éducateurs (421-431), elle stabilise un protocole qu’elle considère comme un compromis satisfaisant

697 RC 4 5 je ne l'exclus pas de la classe,
698 NS 4 5 elle part avec le travail de classe
699   4 5 simplement, je passe la main à quelqu'un d'autre, dans un autre lieu,
700 PR 4 5 pour que elle soit mieux,
701 RC 4 5 et que le groupe-classe puisse continuer à fonctionner

Ainsi, quoi qu’elle en ait pensé, Eglantine réalise la prescription des psychologues en instaurant un lieu-ressource virtuel. Bien entendu, l’infirmerie n’est pas la classe. Envoyer à l’infirmerie une élève qui n’est pas souffrante, c’est, en réalité, l’exclure. Mais l’infirmerie devient une classe virtuelle, dès que l’institutrice et l’infirmière conviennent de cette situation, peuplée d’objet scolaires. Ce qui rend cette proposition acceptable pour l’enseignante, c’est la continuité du monde de la Normalisation Scolaire, assuré par « le travail de la classe ». Et l’infirmière peut souscrire à ce compromis car il affecte à ce dispositif l’objectif « qu’elle soit mieux », compatible avec la fonction de l’infirmière.

On voit comment l’intérêt d’un compromis ne se mesure pas à la véracité des dispositifs qu’il permet de mettre en œuvre, mais à sa capacité de stimuler les imaginations et de générer des envies de travailler ensemble.