4.2.4. La métaconnaissance

L’examen de la dimension de la métaconnaissance permet d’établir le rapport du professionnel à l’intelligibilité de la situation. Les informations qu’il détient peuvent lui apparaître comme provenant de l’extérieur, d’une base de données indépendante de son expérience. Au contraire, il peut agir une connaissance incorporée, c’est-à-dire suffisamment automatisée pour devenir spontanée.

Tableau n°4- 29 La métaconnaissance Débutants et experts
  Débutant Expert
  Règles et méthodes faciles à expliciter Difficulté à expliciter et à verbaliser, pratiques incorporées

SAVOIR MOBILISER
Ahmed et le protocole institutionnel :
l’éducateur montre une connaissance experte du dispositif de rencontre, et de la façon dont il conduit forcément à transformer la difficulté de l’adulte en échec de l’adolescent
Eglantine et la télépathie : l’institutrice tente avec difficulté d’expliquer cette im-pression diffuse dans les équipes : les élèves vont mieux quand on parle d’eux. Il est difficile pour Eglantine de décrire plus précisément ce phénomène.

SAVOIR TRADUIRE
Laszlo ou la mémoire des mots :
l’éducateur cherche systématiquement à prendre au mot ses interlocuteurs : il rappelle ainsi les propos du directeur, les règlements relatifs aux 35 heures pour justifier sa recherche d’intérêt personnel.
Pervenche à la place de l’autre :
il est difficile pour l’éducatrice de rompre avec une représentation très complexe de la situation, car elle tient toujours à considérer les choses du point de vue de son interlocuteur

SAVOIR S’ACCORDER
Carla et la rencontre de la psychologue :
pour l’institutrice, il est facile de décrire dans les moindres détails la collaboration imaginée pour que ses élèves puissent se rendre chez la psychologue. Tout semble prévu... mais ça ne marche pas
Autour d’Octave : « penser autour des enfants » est une formule dont l’édu-cateur a du mal à s’écarter. La conduite de l’entretien lui propose de multiples étayages à son discours, qu’il saisit pour avancer parfois maladroitement.

Laszlo, tel qu’il se décrit, est un exemple de noviciat dans cette dimension. Il semble croire que la connaissance d’un dispositif induit sa maîtrise, confondant ainsi le mot et ce qu’il représente. Rien de ce qui est institutionnel ne doit lui être étranger : il note, il garde, avons-nous vu, accumulant avec fierté les informations comme autant de pépites censées le protéger contre les agressions de l’extérieur. Car il perçoit le collectif interprofessionnel, et l’environnement de l’établissement, comme une menace constante de persécution : « c’est la globalisation, la mondialisation ». Seuls, contre ce complot international, ses « petits topos et (ses) camemberts » lui permettent d’espérer résister. On perçoit facilement quelle fragilité tente de masquer ce discours excessif. C’est pourquoi l’évocation d’échanges interprofessionnels lui est si difficile : son illusoire contrôle s’évapore. Il ne peut témoigner d’aucun savoir-traduire, et se contente de prescriptions générales : il suffit d’avoir « des arguments pédagogiques », terme générique qu’il ne peut expliciter. Quant à l’accord, à quoi bon chercher à le construire puisqu’il est inscrit sur le fronton de l’établissement : tout découle de l’intitulé de « formation professionnelle », qui doit obliger, logiquement, tous les autres champs professionnels à s’effacer devant l’enseignement technique.

Cette clarté manifeste du propos tranche avec l’exposé hésitant d’Octave. Cet autre éducateur cherche juste à « lever le nez du guidon ». Là où Laszlo propose une vision socio-économique du monde affirmée, Octave préfère s’interroger maladroitement sur la réalité des choses : où est le vrai, entre l’expérience de l’atelier, les écrits compilés des dossiers, les discours échangés en réunion ? L’éducateur cherche à borner, au plus large d’abord, l’espace de la compétence collective : être autour, seulement ; et essayer en cercles concentriques de se rapprocher d’expériences de communion avec un élève, dans l’intimité d’un geste professionnel partagé et transmis. L’itinéraire est vraisemblablement encore à inventer et le pas n’est pas sûr, mais Octave se nourrit de la conviction de la justesse de son chemin. En ce sens il peut accéder, au contraire de Laszlo, à une forme d’expertise.

Car la nécessité de l’accord est posée comme préalable : hors de lui, on ne peut prétendre approcher le vrai ; sa recherche repose sur l’engagement des partenaires. Alors que pour Laszlo, il n’est, au mieux, qu’un superflu encombrant, aisément délégué au responsable institutionnel.