Synthèse de la quatrième partie

Après avoir attesté de l’intérêt que les enseignants en EME portent aux réunions interprofessionnelles, nous avons conduit et analysé dix-neuf entretiens. Nous demandions aux enseignants de décrire leurs modalités de résolution de difficultés professionnelles, afin de vérifier le second volet de notre hypothèse : les enseignants en EME développent une compétence professionnelle à l’accord interprofessionnel pour adapter les ressources institutionnelles aux besoins particuliers de leurs élèves.

En effet, les enseignants se montrent tous désireux de mobiliser des ressources interprofessionnelles pour dépasser les expériences difficiles auxquelles leurs élèves les confrontent. Après avoir multiplié les adaptations en classe (méthodes et techniques, individualisation de la relation, appui sur le collectif) et les rencontres spontanées avec leurs collègues enseignants (récréations, collaborations en classe ou en atelier), ils se tournent vers l’espace interprofessionnel muni d’une triple demande :

Chacun tente de mobiliser les ressources institutionnelles en un parcours cohérent. Au delà des différences singulières ou liées à l’établissement, ils adoptent principalement deux profils, selon qu’ils choisissent, comme la plupart des professeurs, de privilégier le « petit périmètre » des rencontres scolaires et des réunions de concertation, ou, tels les éducateurs, des espaces plus ouverts sur l’institution, la synthèse par exemple.

Afin de mobiliser à leurs côtés leurs différents partenaires, les enseignants s’efforcent de présenter leur difficulté en une formulation partageable par tous, témoignant de l’impossible cohabitation, en une même situation scolaire, d’éléments des différents mondes de référence : c’est l’énoncé-problème. A la recherche d’accords, ils posent essentiellement une question à leurs collègues : « quelle est la bonne distance à adopter avec cet enfant ? ».

Le recensement des objets, qualités ou relations évoquées lors des différents récits de réunions ou de rencontres interprofessionnelles révèle la façon dont les enseignants adaptent leurs discours aux situations de communication. Une restriction de la diversité des mondes évoqués caractérise le passage des concertations entre enseignants aux rencontres interprofessionnelles. Contacts informels ou réunions de coordination privilégient fréquemment un seul monde, le plus souvent Praxis et Relation.

C’est pourquoi la clarification est la modalité d’accord le plus souvent conclu. Elle représente une manière positive de rompre avec des comportements de fuite ou de retrait des mondes, des tentations de passage à l’acte. Elle permet également de dépasser les tentations d’arrangements plus ou moins clandestins. La clarification ordonne chacune des différentes situations institutionnelles dans la logique d’un monde unique, lors de rencontres spontanées ou de réunions pluridisciplinaires. Mais cette modalité d’accord rend périlleux l’accès au compromis, d’autant plus difficile que les mondes successivement évoqués sont moins nombreux. Car le compromis demande la complexité . Il repose sur une formulation paradoxale, un pari que des mondes différents peuvent quand même coexister en une même situation, pour un peu que les partenaires de l’accord s’y engagent intimement.

Ainsi, on peut décrire la compétence professionnelle à l’accord interprofessionnel comme la possibilité de mobiliser la capacité à articuler, en un parcours cohérent, des savoir-faire technique (mobiliser des dispositifs), cognitifs (savoir traduire) et sociaux (savoir s’accorder). On peut en caractériser :