Des pratiques à inventer

Car notre travail se justifie par la perspective des évolutions de pratiques qu’il peut accompagner. Dans ce but, quelques-unes de nos observations doivent être considérées.

A plusieurs reprises (besoins des élèves, pratiques d’enseignement, investissement des réunions, construction d’accord), nous avons mesuré le peu de dépendance entre l’activité des enseignants et les différentes catégories d’enfants accueillis. Qu’ils préparent leurs élèves à un examen de préformation professionnelle ou tentent d’accompagner au mieux un adolescent en situation de handicaps multiples, qu’ils enseignent la lecture à des enfants réputés déficients intellectuels ou cherchent à contenir des « élèves rebelles », les enseignants mobilisent les mêmes ressources : des capacités d’adaptation pédagogiques, des espaces de respiration, d’information et d’articulation, des savoir-faire techniques, cognitifs et sociaux. On est alors en droit de s’interroger sur les pratiques de catégorisation des établissements, aux agréments de plus en plus complexes, justifiant, au nom de la précision administrative ou de l’exactitude médicale, des logiques discriminantes de ségrégation qui conduisent toujours à écarter les plus faibles des dispositifs les moins marginalisants.

Or les enseignants n’ont pas besoin de techniques spécialisées ni de dispositifs sophistiqués. Tous, d’écoles « ordinaires » ou d’établissements spécialisés, témoignent de l’importance d’éléments simples. Nous en retenons trois :

Nous avons choisi de décrire les conduites de construction d’accords interprofessionnels sous la forme d’une compétence professionnelle. Nous évoquons l’intérêt d’un tel modèle dans une perspective de formation dans trois directions principales :

Parce qu’elle cherche à comprendre comment des professionnels articulent des mondes disparates et composent des situations complexes « qui se tiennent » suffisamment pour soutenir des conduites de collaboration interprofessionnelle, cette recherche peut inspirer une approche interprofessionnelle de la formation à l’intégration des personnes en situation de handicap, en suggérant aux différents acteurs de s’ouvrir aux mondes des autres.

Ainsi se tissent de nouvelles sociabilités, que la présence de personnes plus vulnérables renforce au lieu de distendre et, au-delà des intentions souvent caduques de réintégration des individus précédemment stigmatisés et marginalisés, se dessinent les premiers contours d’une société inclusive et non-discriminante. Nous souhaitons que cette thèse contribue à la construire.

Notes
458.

GARDOU (Charles), Concilier obligation de science et devoir d’humanité, in GARDOU (Charles) et coll., Professionnels auprès des personnes handicapées, op. cit., p. 20

459.

CROUZIER (Marie-Françoise), in GARDOU (Charles) et coll, op. cit., p. 150

460.

Nous empruntons le terme et l’idée à : DETRAUX (Jean-Jacques), Choix éthiques en éducation spécialisée, in LEPOT-FROMENT (Christiane) et coll., Education spécialisée Recherches et pistes d’action, Paris Bruxelles, De Boeck Université, 1996, p. 178

461.

Il s’agissait de : WINNICOTT (Donald W.) : Jeu et réalité L’espace potentiel, Paris, Gallimard, 1975

462.

On se souvient à ce propos de l’entretien d’Ernest.

463.

Nous faisons référence à la proposition de Charles GARDOU, reprise par le Conseil National « Handicap : Sensibiliser, Informer, Former », présidé par Julia KRISTEVA