Introduction

« Le D de notre sigle, comme démocratiques a une portée tant interne (fonctionnement de la fédération Sud-PTT), qu’externe : favoriser l’expression directe des salariés est un élément indispensable pour redonner confiance dans le syndicalisme. Au-delà, il nous faut commencer à faire vivre une autre vision du monde qui permette à chacun d’être acteur de sa propre vie, d’en finir avec la conception d’une avant-garde qui a tout compris et qui décide pour la base, conception qui a fait trop de dégâts dans le mouvement ouvrier ! »
(Rapport d’activité, 5ème congrès fédéral, 1999) 1 .

« Moi, je pense […] qu’il faudra réinventer des organisations politiques. […] La base doit reprendre une place très très importante, doit faire le moins de délégation de pouvoir possible ; peut-être même pas du tout, il faut réfléchir à des choses comme ça »
(Annick Coupé, fondatrice de Sud-PTT et première secrétaire de la fédération, dans DEBOURG 2000, p. 94)

« Cette volonté de refuser toute hiérarchie, dans notre structure, dans notre combat, dans notre réflexion. Je crois que ça, c’est important. La prise en charge par chacun de lui-même et de tout le monde par chacun. On n’est pas là pour prendre les gens par la main. » (un militant local)

« Sud-PTT refuse de reproduire dans son fonctionnement interne la division du travail inhérente au capitalisme. Les responsables ne sont pas détenteurs d’un pouvoir confisqué, ils ont pour fonction d’animer, de coordonner et d’impulser la vie syndicale sur la base des orientations définies par les adhérents. Ils sont élus et révocables à tout moment par les structures qui les ont mandatés. Les décisions qu’ils sont amenés à prendre en l’absence de mandat précis (intervalle entre deux réunions de structure) sont soumises au contrôle a posteriori de l’organisation, qui en examine l’opportunité et le bien-fondé, et peut en décider l’annulation. » (Charte identitaire, 1999)

« La démocratie, ça a un coût très cher, mais ça vaut le coup. » (fondateur, entretien)

Ces quelques extraits de discours militants fournissent un aperçu des exigences que ceux qui ont fait et font Sud-PTT se fixent, en lien avec leurs conceptions du syndicalisme et de la démocratie : le refus des relations de subordination, le refus de la délégation sans contrôle, la participation du plus grand nombre, adhérents et salariés non syndiqués, aux affaires syndicales, autant d’exigences sous-tendues par une vigilance critique vis-à-vis du mécanisme représentatif. Ces discours ne sont-ils que des discours de façade, déconnectés des pratiques réelles, et sinon quels sont leurs débouchés pratiques ? Quelle place leur accorder dans une analyse du fonctionnement interne de l’organisation syndicale ?

Nous avons fait le choix ici de prendre au sérieux ces ambitions de démocratie affirmées et de les placer au cœur d’une analyse du fonctionnement interne de l’organisation syndicale Sud-PTT, sans pour autant présupposer une conformité, peu réaliste, entre celles-ci et les fonctionnements concrets. C’est donc la question des passages entre les intentions, le projet, et les pratiques qui a guidé notre étude ici.

Notes
1.

Dans les textes produits par la fédération Sud-PTT mais aussi, bien que de manière moins systématique, par le syndicat étudié, les termes employés sont féminisés. Par exemple, on ne trouve pas dans ces textes « les adhérents » mais « les adhérent-e-s ». Nous avons choisi de ne pas reprendre cette modalité typographique, tout en signalant son usage et l’importance qu’elle revêt pour les militants. Notre choix correspond à une prise en compte de la gêne que celle-ci peut occasionner à la lecture.