L’affirmation permanente de l’exigence du « faire autrement »

Le discours de rupture et de différenciation est très présent au moment de la création, mais aussi au quotidien. C’est une exigence fréquemment réaffirmée par les militants du syndicat étudié. L’ambition de rupture perdure bien au-delà du moment de la création initiale et l’exigence du « faire autrement » est constamment réaffirmée comme une exigence qui doit guider les pratiques syndicales et les choix opérés.

Le projet syndical porté par Sud-PTT est un projet de rupture avec le « syndicalisme dominant » (Fred, fondateur, entretien). La charte identitaire précise que « Sud-PTT se fixe pour objectif une rénovation profonde du syndicalisme ». Sud-PTT veut développer des « pratiques différentes », « construire un syndicat différent » ; « notre souhait est de participer à la rénovation du syndicalisme dans ses pratiques, son fonctionnement, ses revendications, pas de se plier au modèle déjà mis en place par les autres et qui prouve chaque jour son inertie » (contribution au débat proposée par deux permanents fédéraux, congrès fédéral extraordinaire 2001). L’idée de rupture se retrouve dans l’expression « syndicalement incorrect », utilisée dans le titre de l’ouvrage publié à l’occasion du dixième anniversaire de l’organisation (COUPÉ & MARCHAND 1998). Les militants du syndicat étudié affirment une « volonté de ne pas marcher dans les traces des syndicats confédérés » (rapport d’activité Poste, 3ème congrès du syndicat étudié, 2000). Jacques, dans le cadre d’une discussion de bureau autour des problèmes de fonctionnement interne affirme : « on n’a pas monté Sud pour ressembler à la CGT ou à FO ! » (BS n°34).

Lors des échanges qui se déroulent dans le cadre du quatrième congrès du syndicat étudié, l’exigence de distinction des pratiques syndicales développées par Sud-PTT par rapport à celles des autres organisations revient de manière récurrente dans le propos de plusieurs militants, des anciens du syndicat (congrès n°3). Un militant affirme la nécessité de « développer une action syndicale différente de celle des autres organisations ». Il ajoute aussi qu’il s’interroge sur la réalité, au-delà des discours, de la « spécificité » de Sud-PTT aujourd’hui. Une autre militante pointe « le risque de devenir comme les autres syndicats » auquel est exposé Sud-PTT. Dans le cadre de la discussion des priorités d’action, un intervenant indique que la définition des priorités d’action doit « marquer la différence de Sud », le « rôle de Sud [étant] de prendre en charge ce que les autres syndicats ne traitent pas ou traitent mal ». Un autre rappelle encore que « Sud-PTT est né d’une crise du syndicalisme » et que, par conséquent, « il n’a pas été créé pour faire comme les autres » et se doit « de mettre en avant ses différences » 68 .

Notes
68.

On verra dans la seconde partie que le sentiment d’échec pratique de l’ambition de « faire autrement » constitue un élément explicatif du désinvestissement syndical de certains militants, parmi les anciens (chapitre 1, 2- Logiques des investissements et désinvestissements syndicaux).