la mise en place de quotas

Au moment de la fondation, les militants ont souhaité mettre en place des dispositifs visant à contrarier les mécanismes de la domination masculine, à éviter que les hommes ne monopolisent les responsabilités et à assurer une parité dans l’occupation des postes. La réponse organisationnelle à cette ambition a été la mise en place de quotas de femmes dans la composition du bureau fédéral. En 1989, 20% des places étaient réservées aux femmes. Ce pourcentage passe à 33% à l’issue du congrès de 1996 et quinze des quarante-cinq postes au bureau fédéral sont donc réservés à des femmes. Le congrès de 1999 adopte le principe du passage du bureau fédéral à cinquante membres. Dix-huit postes, neuf dans chaque collège professionnel, sont alors réservés à des femmes 136 . Si ces postes ne sont pas pourvus lors de l’élection, ils sont laissés vacants, les comblements pouvant se faire entre deux congrès à l’occasion de réunions du conseil fédéral (article 141 RI fédéral).

Yves Sintomer analyse les débats sur la parité et les différentes positions adoptées par les acteurs qui y prennent part. Sur la question des solutions à apporter au problème, il identifie différentes positions : celle des « républicains-universalistes » et du courant « déconstructionniste » (influent chez les féministes radicales), qui défendent une position de rejet de la parité imposée, et celle des « différentialistes » et du courant « pragmatique » qui au contraire soutiennent les dispositifs de discrimination positive. Les réflexions militantes développées sur la question de la parité au sein de Sud-PTT sont proches de celles développées par ce courant pragmatique. Yves Sintomer évoque celles-ci en ces termes : « un courant assez large soutient la parité comme un moyen pragmatique au service d’une fin, l’égalité. Celle-ci suppose de combattre de façon volontariste (notamment à travers des mesures légales) les dispositifs sociaux et politiques de domination et de discrimination que l’évolution ‘naturelle’ ne saurait à elle seule atténuer, comme le prouve la stagnation du nombre d’élues en France durant plusieurs décennies. En ce sens, la parité ne contredit pas l’égalité, d’autant qu’elle diffère du principe corporatiste qui veut que chaque groupe élise ses propres représentants : elle implique qu’hommes et femmes désignent en commun leurs représentant(e)s, la seule spécification étant qu’ils/elles doivent être à l’image des représenté(e)s » (SINTOMER 1999, p. 392).

Nous revenons sur la question des quotas avec une militante fondatrice dans le cadre d’un entretien. Celle-ci explique comment sa position a évolué sur ce point et comment elle a admis la nécessité de mettre en place des mesures volontaristes. Son discours illustre très bien la position pragmatique telle qu’elle est décrite par Yves Sintomer :

Comme sur la question de la réglementation du recours aux permanents syndicaux, les règles mises en place au niveau de la fédération ne sont pas contraignantes pour les syndicats 137 . Si, par rapport à la question des permanents, le syndicat étudié a lui aussi mis en place des dispositifs spécifiques, ce n’est pas le cas sur la question de la féminisation. En effet, aucun dispositif spécifique n’a été mis en place afin de garantir une représentation féminine minimale dans les instances collectives. La question de la mise en place de quotas a été discutée dans le cadre d’un des congrès observés (congrès n°1), la majorité des personnes présentes alors se prononçant contre la mise en place de quotas (25 voix pour, 34 contre et 3 abstentions).

Notes
136.

Les femmes représentent 39% du personnel de la Poste et de FT, mais les chiffres sont très variables d’un service à l’autre. Ainsi par exemple, aux chèques postaux, les femmes représentent 74% du personnel (on parle d’ailleurs souvent des « filles des chèques »), mais seulement 16% ses salariés des centres de tri. Dans le syndicat, les femmes représentent aujourd’hui un peu plus d’un tiers des adhérents. Pour un aperçu de l’évolution de la féminisation des effectifs syndicaux, voir les chiffres présentés en annexe.

137.

L’absence d’uniformité des règles en matière de féminisation au sein de la fédération pose problème. Il y a en effet une progressivité minimale dans la prise de responsabilités syndicales et, avant d’occuper des postes dans les instances fédérales, les militants exercent des responsabilités dans une structure locale. Or, si ces structures sont peu féminisées, elles ne sont pas ou peu susceptibles d’alimenter les instances fédérales en militantes.