Accès à la parole et degré d’investissement syndical

Peu de surprises dans ces résultats. Il apparaît que les adhérents les moins impliqués dans la vie de l’organisation, par définition peu présents lors des réunions syndicales, prennent peu la parole dans les débats quand ils sont présents. L’accès à la parole est lié au degré d’investissement syndical.

Cette inégale distribution de la parole entre les militants et les adhérents est toutefois peu marquée quand ces adhérents disposent d’une expérience passée de militant (syndical ou politique) vécue dans une autre organisation et qui forgent à la fois une compétence à la prise de parole publique (maîtrise du comment faire et du savoir quoi dire) et un sentiment de légitimité à intervenir, à prendre part aux débats, à produire et à exprimer publiquement une opinion par rapport à une question précise, une analyse, un point de vue sur une situation. Par ailleurs, ces « adhérents les moins investis » qui prennent effectivement la parole peuvent être dans une phase d’intensification de leur investissement syndical. Lors du congrès n°3, trois des quatre adhérents « les moins investis » qui prennent la parole sont aussi candidats au CS (et seront d’ailleurs élus). Deux d’entre eux disposent d’une expérience passée de militant syndical, un à la CGT (dans laquelle il a occupé des responsabilités départementales et nationales) et l’autre à la CFDT.

La distribution de la parole lors de la séquence 4 de discussion lors de l’AG n°6 présente une particularité puisque sur les 16 intervenants, 7 sont des adhérents peu impliqués, proportion plus importante que dans les autres séquences de discussion. La discussion porte alors sur le fonctionnement interne du syndicat et, au cours de la discussion, un militant, constatant la présence dans l’assemblée de plusieurs nouveaux adhérents, suggère que chacun d’eux prenne la parole afin de livrer son point de vue sur la discussion et sur la situation interne du syndicat. Quatre nouveaux adhérents, peu impliqués, prennent alors la parole. Ces prises de parole vont sans doute stimuler les interventions d’autres adhérents, pas nouveaux mais peu impliqués.

Les personnes qui interviennent le plus dans les réunions sont les membres du bureau : la proportion du nombre d’intervenants appartenant au BS sur le nombre total d’intervenants est toujours la plus forte et les personnes qui totalisent le plus grand nombre d’interventions dans une même séquence de discussion sont le plus souvent des membres du bureau. Cette distribution inégale de la parole en faveur des membres du BS s’explique facilement par le fait qu’ils disposent tendanciellement, du fait de leurs responsabilités internes, d’une meilleure connaissance des dossiers que les autres militants et plus encore, que les adhérents. Par ailleurs, du fait de la vue générale sur les affaires du syndicat que leur position leur donne, ils sont susceptibles d’intervenir sur différents sujets, alors que d’autres sont contraints de limiter leurs interventions aux quelques sujets pour lesquels ils disposent d’une connaissance suffisante.

Dans le cas des réunions de bureau, des asymétries dans la distribution de la parole apparaissent aussi. Une petite partie des membres du bureau interviennent beaucoup moins que les autres dans les discussions. Ceux qui interviennent le moins sont aussi ceux qui paraissent les moins à l’aise dans l’usage de la parole.

Une partie des personnes présentes physiquement aux réunions assiste passivement aux échanges et se contente d’écouter ce qui se dit. Leur présence, même passive, n’est toutefois pas nécessairement sans effet et peut engager un contrôle silencieux de ceux qui prennent la parole, les contraignant peut-être à justifier plus solidement leur propos 271 . Par ailleurs, l’assistance aux réunions, même passive, peut constituer un moment d’apprentissage syndical, de familiarisation avec les questions syndicales.

Notes
271.

Nous n’avons pas constaté de différences notables entre les discours tenus par les militants dans le cadre des réunions de BS, le plus souvent hors du regard et de l’écoute des adhérents, et celui qu’ils tiennent dans le cadre des AG et congrès, si ce n’est une moindre personnalisation des discours (les interventions mettant en scène des individus, soi-même ou les autres, sont moins fréquentes dans les congrès et AG que dans les BS).