Un représentant légal sans pouvoir

Un représentant légal est toutefois désigné pour répondre à l’obligation juridique. Mais il ne dispose d’aucune prérogative spécifique et n’apparaît pas en tant que tel en dehors des déclarations officielles.

Lors d’une AG, alors que Jacques, qui est le représentant légal du syndicat depuis 1994, annonce son retrait de la vie syndicale, la question de la désignation de son remplaçant se pose. C’est l’occasion de rappeler ou d’apprendre aux adhérents en quoi consiste la fonction de représentant légal (AG n°6). Paul indique que ce rôle est « purement formel », qu’il s’agit simplement de « produire des signatures » ; « on ne lui a jamais accordé plus d’importance que cela », ajoute-t-il. Jacques explique que le représentant légal est « celui qui, en cas de problème civil ou légal, va bouffer des oranges », que c’est une « potiche ». Il ajoute toutefois qu’ « il a tout pouvoir sur les comptes ». Jean poursuit en disant que « c’est quelqu’un qui n’a rien à faire dans le syndicat mais qui peut tout faire » ce qui implique qu’ « il faut que ce soit une personne de confiance » 330 .

Pour illustrer ce refus de la personnalisation dans le syndicat étudié, il est intéressant de rapporter l’anecdote suivante. Dans le cadre d’une réunion de BS, Félix fait part aux autres d’un contact téléphonique qu’il a eu avec un journaliste appartenant à un journal local, qui lui a indiqué qu’il était en train de constituer un annuaire politique local et qu’il souhaitait obtenir les noms des personnalités représentant le syndicat, afin de les faire figurer dans cet annuaire. Félix indique qu’il a répondu à ce journaliste que le syndicat était une structure collective et qu’il ne pouvait par conséquent pas donner le nom de personnes en particulier. Les autres approuvent alors sa réponse. Christine indique même qu’elle avait déjà reçu une lettre de la part de ce journal et formulant cette même requête et qu’elle l’avait jetée à la poubelle, sans même prendre la peine d’en faire part aux autres, tant il lui paraissait évident que la demande ne pouvait être satisfaite (BS n°37).

Notes
330.

Sur ce point, un parallèle peut être établi avec le fonctionnement fédéral. La fédération Sud-PTT a un secrétaire général. Il est désigné par le bureau fédéral. Les statuts ne lui confient qu’une fonction très réduite : il est mandaté par le BF pour représenter la fédération devant toutes les juridictions (art. 9). La décision d’engager des actions en justice au nom de la fédération ne lui appartient pas, elle appartient au BF. Ce secrétaire général est membre du secrétariat fédéral mais ne dispose d’aucune prérogative particulière en son sein. À cet effacement statutaire répond un effacement pratique : le secrétaire général est l’égal des autres secrétaires fédéraux. Comme se plaisent à le souligner les militants de Sud-PTT, quand on appelle à la fédération, il n’est pas rare de tomber sur le ou la secrétaire général(e). Ce refus de la personnalisation semble résister à l’épreuve de fait. Chez les militants du syndicat observé, la fédération n’est pas perçue à travers son secrétaire général ce qui constitue un indice d’une faible personnalisation. Ils parlent de « la fédé » et non de untel ou untel. Pierre-Éric Tixier formulait un constat contraire à partir des observations qu’il a menées au sein de la CFDT. Il soulignait la personnalisation et indiquait que la confédération était perçue à travers son secrétaire général (à l’époque Edmond Maire, tous les acteurs et analystes de la CFDT s’accordant d’ailleurs pour dresser le constat d’une accentuation de la personnalisation pendant les années qu’il a passées à la tête de la CFDT).