La collégialité à l’épreuve de la faiblesse des effectifs militants

Le principe de collégialité, affirmé comme étant un principe légitime dans le fonctionnement interne de l’organisation, se trouve, dans le fonctionnement quotidien, mis à l’épreuve de la faiblesse des effectifs militants. La faiblesse des effectifs militants conduit à une spécialisation dans la répartition des tâches syndicales et à une autonomisation de fait des militants dans l’exercice de leurs responsabilités.

Dans une conversation, un militant, en charge du secteur LP, un secteur qui a subi dans les mois qui précèdent plusieurs départs de militants qui assuraient une grande part du travail syndical, explique à une autre personne : « pour la Poste, je fais tout seul. Je pense que je ne fais pas de conneries. J’en parle avec Jacques quand c’est un peu plus politique. Après, sur un plan démocratique, on peut toujours dire que ça n’a pas été discuté » (observation informelle, local syndical, 2002).

Il est fréquent que des militants se plaignaient de leur situation d’isolement dans l’exercice de leurs responsabilités militantes. C’est par exemple le cas de Pierre qui représente le syndicat au sein des instances du groupe ATTAC local. Il explique qu’il ne se sent pas plus contrôlé dans l’exercice de son travail de représentation qu’il n’avait pas le sentiment de l’être lorsqu’il était élu au BS et en charge de dossiers concernant le secteur Télécom :

Le constat général qui peut être établi à partir de l’étude des rapports entre représentants et représentés au sein du syndicat étudié, c’est en effet celui de la situation d’autonomie dans laquelle se trouvent les représentants. Il n’y a pas de contrôle exercé à l’entrée, au moment de l’accès aux responsabilités. Les représentants n’agissent le plus souvent pas dans le cadre d’un mandat strictement défini conduisant effectivement à la limitation de leur autonomie. La critique des représentants et de la manière dont ils exercent leurs fonctions, quand elle s’exerce effectivement, ce qui est assez rare, est peu prise en compte et a tendance à être systématiquement disqualifiée comme « attaque personnelle » et ainsi délégitimée. Une forme de contrôle est néanmoins active, c’est celle du contrôle mutuel des représentants du fait d’un fonctionnement collégial.