C) La syndicalisation de la profession de journalistes

Les statistiques, issues de la Commission nationale de la carte d’identité des journalistes professionnels, recensent, à la date du 3 janvier 2002, 34227 cartes de presse délivrées. Selon nos estimations et les chiffres qui nous ont été communiqués par les différents syndicats, nous pouvons évaluer le taux de syndicalisation des journalistes français à 13 %. Ce chiffre sera pondéré par la véracité des chiffres transmis par les syndicats, soupçonnés de pratiquer la surenchère d’adhérents. Jusqu’en 1938, il n’existait qu’un seul syndicat pour représenter la profession : le SNJ. A partir de cette date, Jean-Maurice Hermann, qui fut d’ailleurs l’un des secrétaires généraux du SNJ, créa le SNJ-CGT, pour représenter le courant progressiste du SNJ dont certains membres souhaitaient maintenir l’autonomie. La reconfiguration du paysage syndical des journalistes français s’amorce avec la scission FO-CGT, en 1946. L’organe officiel du SNJ, Le journaliste, relate les faits, non sans amertume : ‘« Un syndicat national de journalistes particulièrement puissant existait. Parce qu’il adhérait, à la CGT et qu’au sein de la CGT une scission s’est produite, des confrères ont donné un exemple regrettable (…) Aussitôt que le conseil national a eu voté le retrait du SNJ d’une CGT devenue inhabitable pour l’immense majorité de ses membres, d’autres confrères ont fait acte de dissidence. Résultat : alors qu’il était possible aux journalistes de toutes les tendances de demeurer unis sur le plan de la défense professionnelle (…) trois syndicats sont désormais en présence : le SNJ qui entend être véritablement indépendant et poursuivre l’action sur le plan de la profession, le syndicat CGT-FO – qu’on appelle déjà le syndicat socialiste, et le syndicat CGT ’» 43

Aujourd’hui, la profession de journaliste abrite six syndicats : le SNJ (3000 adhérents), le SNJ-CGT (800 adhérents), le SGJ-FO (environ 200 adhérents), le Syndicat CFTC des journalistes (400 adhérents), l’USJ-CFDT (1000 adhérents) et le SJ-CGC (107 adhérents).

Nous ne sous-estimons pas l’objection qui pourrait nous être faite concernant la différence de traitement opérée entre les organisations professionnelles. En effet, les représentants des syndicats n’ont pas été contraints au questionnaire comme l’ont été les représentants patronaux, soumis à des orientations inhérentes aux questions posées. Il nous a semblé impossible de dépasser cette contrainte sauf à envisager l’exclusion totale des positions patronales à l’égard de ces questions. Or au regard de nos hypothèses, il nous est apparu inconcevable de justifier ce rejet. Il nous était certes possible d’administrer ce questionnaire aux secrétaires généraux des syndicats de journalistes mais nous y avons renoncé pour différentes raisons. La première tient à notre volonté de travailler sur un corpus dont les caractéristiques conjoncturelles enrichissent sa dimension et donc son intérêt. La seconde porte sur notre intention d’ancrer notre réflexion sur une période suffisamment représentative en matière d’approche discursive de la chose éthique par les corps intermédiaires de la profession.

Notes
43.

Le Journaliste, n°4 (nouvelle série), mai 1948.