Introduction

L’éthique professionnelle se présente, selon Monique Canto-Sperber, comme ‘« un champ d’interrogations éthiques très large dans la mesure où tous les secteurs professionnels de nos sociétés industrialisées sont a priori concernés’ » ⁶⁴ . Elle s’interroge sur le rôle social de la profession, ses responsabilités, sa fonction, ses buts, ses attitudes et ses pratiques. L’éthique professionnelle se présente bien souvent sous forme de discours et de pratiques normatives, qu’il est a priori aisé de repérer. Cette première partie sera très largement consacrée à la présentation de ce champ particulièrement hétérogène lorsqu’il s’applique au domaine de l’information. Ce constat sera longuement étayé à travers un état des lieux de la littérature sur la question. Cette revue de la littérature sur la question éthicienne appliquée au journalisme nous permettra de positionner notre travail et d’en montrer, si possible, l’originalité.

A l’issue de cette réflexion, nous nous attarderons sur le long processus de professionnalisation des journalistes à l’aune exclusive de sa dimension normative. Nous verrons comment l’identité journalistique, dès le XVIIIème siècle, s’est construite notamment autour des catégories du bien et du mal, donc de l’éthique, et comment ce processus a rendu possible, auprès des journalistes, l’intériorisation de normes et de contraintes qui donnent à la configuration de sa professionnalisation une dimension tout à fait spécifique ? Notre argumentation sera en cela renforcée par les travaux menés par la sociologie de l’éthique professionnelle et celle des groupes professionnels, notamment ceux qui mettent en exergue l’éthique comme dimension essentielle de la construction d’un groupe et d’une identité professionnelle. Cela dit, il sera préalablement utile d’exposer les notions, empruntées à Norbert Elias, de configuration et de processus qui nous permettront non seulement d’amorcer notre réflexion mais aussi de la structurer

L’ensemble devrait à terme rendre intelligible l’économie générale de notre réflexion, laquelle s’articule principalement autour des manifestations de l’éthique professionnelle dans les discours des corps intermédiaires de la profession de journalistes.