1) L’éthique de l’information : une définition aux contours flous

Dès que l’on parle d’éthique appliquée à l’information, on rencontre des problèmes de lexique. Problèmes qui ne sont pas, bien entendu, sans répercussions théoriques. Définir l’éthique de l’information est une tâche mal aisée. Les auteurs semblent s’en acquitter en dégageant d’une part la notion d’éthique - qu’entend-t-on par éthique ? - et de l’autre la notion d’information - qu’est-ce qu’informer ? -

Dominique Wolton, dans son ouvrage ‘« Penser la communication’ », explique que ‘« la difficulté actuelle est le statut de l’information dans un univers saturé d’informations »’ 70 . C’est aussi le constat dressé par Jean-Marie Charon qui soulignait, à l’occasion d’un entretien, que ‘« c’est la transformation du rôle et de la nature de l’information qui est en jeu (…) le volume d’informations diffusé est beaucoup plus important mais le rôle de ce qu’est l’information aujourd’hui pour le citoyen est beaucoup moins homogène ’» 71 . Parallèlement et s’agissant de l’éthique, Gilles Lipovetsky, dans son ouvrage titré ‘« Crépuscule du devoir’ », s’en prend à la coquille ‘« éthique’ » vidée de son sens et en appelle à la réhabilitation de l’intelligence en éthique. Ces deux premiers constats pointent la difficulté majeure à appréhender une éthique de l’information dès lors que les deux notions suscitent déjà l’ambiguïté. Avant même d’envisager de rapprocher les deux termes et d’en dégager une signification et un champ d’application, il y a à l’évidence un travail de clarification qui s’impose. Qu’en est-il ?

Alain Etchegoyen dans ‘« La valse des éthiques’ » tantôt appliquées aux médias, tantôt à l’information, inscrit la démarche dans l’air du temps et explique que ‘« la transition de la morale singulière aux éthiques plurielles est un signe des temps »’ 72 . Le philosophe met en garde : ‘« les repères ont disparu, les devoirs s’effacent et nous héritons du vide »’ 73 . Qu’en est-il de la valse des éthiques de l’information, des médias, des journalistes qui sert de fonds d’écritoires aux critiques en tous genres ? Michel Mathien, qui a consacré un ouvrage aux journalistes, esquisse une définition lorsqu’il évoque au chapitre ‘« un sujet sensible’ », l’éthique qu’il qualifie plus loin de fondatrice. Selon lui, l’éthique pose la question du ‘« journalisme moderne’ » et d’expliquer ‘« il s’agit de savoir si le traitement de l’information médiatisée doit pouvoir ou non, présenter les garanties de véracité, de fiabilité et d’exactitude, et être labellisés par des professionnels »’ 74 . Le qualificatif ‘« moderne’ » employé par Michel Mathien pour désigner la profession, nous renvoie aux caractéristiques de l’éthique déclinées par Daniel Cornu : ‘« Souplesse, capacité d’adaptation, faculté de réponse aux situations concrètes, en efficacité stratégique’ » 75 . Il s’agit donc pour l’éthique de s’adapter aux nouvelles exigences que requiert le journalisme ‘« moderne’ », c’est-à-dire de s’inscrire dans un contexte et d’en accepter les mutations.

L’éthique de l’information est-elle ‘« une discipline’ » déclinée dans le cadre d’une théorie des médias ? A cette question, Henri Pigeat répond par l’affirmative dans l’ouvrage ‘« Médias et déontologie’ ». Selon lui, ‘« la recherche d’une déontologie de l’information se situe ainsi dans la zone de recoupement de quatre disciplines’ » et d’énumérer ‘« la morale, l’éthique de l’information ou des médias, le droit et la déontologie professionnelle »’ 76 . Il donne à l’éthique de l’information « ou des médias » une définition qui témoigne de l’ambiguïté : ‘« elle reste l’objet de recherches et de définitions, sans doute dans le cadre d’une théorie des médias en train de se faire’ » 77 .

Notes
70.

Wolton D., Penser la communication, Paris, Flammarion 1997, p 192.

71.

Charon J.M., entretien du 18 janvier 2002, Maison des Sciences de l’Homme, Paris.

72.

Etchegoyen A., La valse des éthiques, Paris, François Bourin, 1991, p 13.

73.

Etchegoyen A., op. cit., p 14.

74.

Mathien M., Les journalistes, Paris, PUF, 1995, p 7.

75.

Cornu D., op. cit., 1997, p 5.

76.

Pigeat H., op. cit., p 8.

77.

Idem.