2) De l’écrivain au journaliste « professionnel »

La Révolution a donc largement permis aux journalistes de s’intégrer non seulement dans l’espace politique mais aussi dans l’espace public. Il a toutefois fallu attendre le XIXe siècle pour que la profession prenne conscience de l’intérêt sinon de s’organiser du moins de s’unir mais aussi et surtout de se battre dans l’espace symbolique pour légitimer sa fonction de journaliste et non d’écrivain. Or l’imprécision qui sépare le champ journalistique du champ littéraire, en dépit de leur distinction progressive, a perduré jusqu’à la fin du XIXe siècle

Le sentiment de réprobation de la pratique journalistique, pour ne pas dire de dédain, a en effet persisté bien au-delà du XVIIIe siècle. ‘« Tout au long du XIXe siècle, alors que beaucoup d’entre eux s’étaient déjà distingués, nous retrouvons les journalistes abreuvés d’injures’ » note Marc Martin 259 . La critique du journalisme devient encore plus virulente avec le développement des feuilles à un sou qui touchent un public populaire. Dès lors la presse est accusée de faire des ravages et ‘« l’objectif des journalistes, qualifiés de malfaiteurs, est de gagner de l’argent en flattant les instincts mauvais, les passions honteuses’ » 260 . Il est précisé ‘« qu’en journalisme, pour faire du bruit, on tuerait père et mère. En cas identique, les notaires se fussent adressées à leur chambre, les avocats au conseil de l’ordre »’ relève Michaël Palmer 261 . Dans de telles circonstances, il parut difficile aux journalistes de ne pas répondre aux critiques incessantes dont ils font les frais.

Notes
259.

Martin M., Médias et journalistes de la République, Paris, Odile Jacob, avril 1997, p 7.

260.

Bautier R. et Cazenave E., Les origines d’une conception moderne de la communication. Gouverner l’opinion au XIXe siècle, PUG, 2000, p 87.

261.

Palmer M., Des petits journaux aux grandes agences. Naissance du journalisme moderne, Paris, éditions Aubier Montaigne, 1983, p 81.