2) 1945-1950 : L’échec de la clôture du processus de moralisation

La première vague d’épuration professionnelle fut un échec et donna lieu, via l’ordonnance du 2 mars 1945, à la transformation de la commission de la carte en organisme d’épuration professionnelle. C’est sous sa houlette que furent éconduits les journalistes collaborationnistes, soit près de ‘« 687 journalistes sanctionnés’ », selon Christian Delporte 297 . La profession recouvrait progressivement une identité que l’on cherchait à fonder sur la morale et l’honneur, thèmes dominants des discours professionnels de l’époque. Les projets de chartes et autres codes furent nombreux et ‘« sous-tendus par la faillite morale de la presse’  » 298 .

Dès le 9 octobre 1945, la commission exécutive de la FNPF adopta une ‘« charte de la presse’ » qui énonçait les principes sur lesquels devait être ébauché un statut général de la presse. Quelques semaines plus tard, la FNPF élabora un projet intitulé ‘« déclaration des droits et des devoirs de la presse libre ’», soumis à examen le 24 novembre 1945 par son président, Albert Bayet. Un an plus tard, Robert Brémond, alors directeur du Progrès, lançait un projet dans lequel il fit apparaître, à la section IV, un volet sur ‘« des droits du lecteur et de l’honneur professionnel’ » et, à la section VII, un autre sur ‘« la création d’une cour d’honneur de la presse’ ». Quelques temps plus tard, Robert Bichet, ancien ministre de l’information, esquissait un projet sur le statut des entreprises de presse. Celui-ci prévoyait, au titre IV et en particulier à l’article 123, une ‘« chambre nationale de la presse chargée de représenter auprès des pouvoirs publics, les intérêts nationaux, professionnels et moraux d’ordre général de la presse, mais aussi de constituer une éventuelle cour d’honneur afin de sanctionner l’auteur d’une infraction morale susceptible d’entacher l’honneur de la profession »’. En octobre 1949, la FNPF n’ayant pas abouti dans ses précédents projets, proposa un nouveau projet, intitulé : ‘« code des usages de la presse’ ». Ce code, destiné à assurer la discipline morale de la presse, visait aussi à instituer, en collaboration avec les journalistes, un conseil supérieur chargé de faire respecter les règles professionnelles. Pierre Henri Teitgen, alors ministre d’État chargé de l’information, reprend l’idée, un an plus tard, et propose un projet de loi portant institution d’un conseil supérieur de la presse et d’un conseil supérieur des journalistes 299 .

Si ces opérations, étalées sur les années 1946 à 1950, ont permis de redécouvrir le fondement de la liberté de la presse et son corollaire, sa mission de service public, il n’en demeure pas moins qu’aucun de ces projets n’a abouti à son terme. La question de la moralisation de la presse et de ses acteurs est certes une préoccupation mais elle ne constitue pas une urgence. L’opportunité de clore le long processus de moralisation de la profession, en adoptant une position consensuelle que seule la période de la Libération rendait possible, n’a pas été saisie et ce, en dépit des multiples initiatives qu’ont lancé les principaux acteurs concernés.

Notes
297.

Ibid., p 396.

298.

Ibid., p 423.

299.

Nous devons l’ensemble de ces informations à Schwarz F., Les sociétés de rédacteurs en France ; actions et pensées d’un mouvement démocratique pour la presse quotidienne (des origines à nos jours), thèse de doctorat, Bordeaux 3, 1991, pp.160-180.