3) Le pronom personnel « On » dans les discours patronaux. 

Nous avons procédé à un relevé d’occurrences du substitut personnel ‘« On’ » en tant qu’outil permettant de faire ou de ne pas faire apparaître l’existence de deux groupes : les employeurs vs les employés (ici les journalistes) – nous nous limiterons à ces deux groupes -. Ce travail se scinde en deux parties, l’une quantitative, l’autre qualitative. Cette dernière nous permettra d’affiner notre analyse tant l’emploi du « On » constitue une ambiguïté référentielle que nous ne sous-estimons pas.

Il nous faut souligner, en premier lieu, que l’emploi du ‘« On’ » se substitue à celui du ‘« nous’ » dont il est la forme familière et qu’il réfère à un syntagme nominal présent, logiquement, dans le discours. Cela dit, il n’est pas toujours possible de savoir à quel autre pronom personnel ‘«On’ » se substitue. En second lieu et s’agissant de notre corpus, il est important de noter que l’emploi du ‘« On’ » renvoie très souvent à ‘« la profession’ », celle qui a inspiré l’expression ‘« la grande famille’ ». Dès lors, la profession désigne les journalistes et les éditeurs de presse, ces derniers ayant pour beaucoup occupé la fonction de journaliste. C’est ainsi que Jacques Morandat, directeur de la FFAP, précise : ‘« On estime que nous, les journalistes, on est mieux à même de décider, et pas vous, les magistrats de ce qui doit être sorti de la vie privée »’ 561 ou encore, dans la même veine, la réflexion de Bruno Hocquart de Turtot ‘« Nous nous situons, nous journalistes, par rapport à cette presse financée essentiellement par la publicité’  » 562 Remarquons toutefois qu’il s’agit, dans les deux cas, de défendre les intérêts de ‘« La’ » profession face à ce qui est considéré comme des menaces : l’ingérence du législateur et l’arrivée de la presse gratuite.

Enfin il nous est apparu intéressant de souligner que parmi nos interlocuteurs patronaux, deux d’entres eux ont occupé la fonction de directeur des ressources humaines, l’un à France 3 et l’autre à Ouest-France 563 . Ils sont donc naturellement enclins à prôner le non-clivage social pour faciliter le dialogue.

Il ressort que l’emploi du pronom ‘« On’ » est plus important, en pourcentage, dans les discours patronaux que dans les discours syndicaux. Nous pensons que cet écart peut s’expliquer par la différence des supports : les discours syndicaux sont extraits des bulletins, les discours patronaux d’interviews. D’un côté, il s’agit d’écrit, de l’autre d’oral. Or, l’oral se prête mieux à l’usage du ‘« On’ » comme forme familière du ‘« Nous’ ». Pour rendre cette analyse pertinente, il nous faut examiner la situation discursive de cet emploi dans les discours patronaux. Des différents référents auxquels se rattachent l’usage du ‘« On’ » - On = la collectivité (unanimiste), référent à un syntagme nominal présent ‘« nous’ », ‘« comme on dit’ », ‘« je + vous’ » - nous ne retenons que celui qui renvoie à un clivage ou un non-clivage social.

Notes
561.

Interview de Jacques Morandat (FFAP), le 19 juillet 2001.

562.

Interview de Bruno Hocquart de Turtot (SPQR), le 4 avril 2002.

563.

Il s’agit respectivement de Bernard Gourinchas et de Bruno Hocquart de Turtot.