Chapitre VI : Analyse des modalités de l’action:

I) La compétence des acteurs

Il est une des manifestations de la singularité narrative des instances syndicales et patronales dont l’analyse mérite d’être approfondie : c’est le choix et le mode de formulation des compétences attribuées à chaque actant. Ces manifestations nous renseignent sur la puissance réelle ou virtuelle des acteurs et sur leurs rapports de force. ‘« La modalisation des énoncés du faire correspond à l’acquisition de la compétence par le sujet opérateur’ » 597 note le groupe d’Entrevernes dans son ouvrage consacré à l’analyse sémiotique des textes. Notre attention se portera particulièrement sur la qualité du faire du sujet opérateur (faire selon devoir diffère d’un faire selon le vouloir) manifestée à travers la modalisation. Notre objectif sera double. Il s’agira, à travers les différents discours, de repérer puis d’observer :

  • L’attribution des compétences aux acteurs (choix et mode de formulation des compétences)
  • Les différentes pratiques manipulatoires des protagonistes à travers leur processus respectif de distribution des compétences (modalités virtualisantes et actualisantes) et du choix des modalités.

Nous savons que les modalités se résument principalement, dans le cadre de l’interprétation greimasienne, à un devoir et un vouloir-faire (compétences virtuelles), à un savoir et un pouvoir-faire (compétences actuelles). A l’instar de Dominique Memmi, ‘« nous nous contenterons de nous livrer à une analyse assez souple des expressions destinées à véhiculer ces quatre modalités, sans nous soucier du dispositif narratif d’ensemble qu’elles visent à reproduire’ » 598 . Pour étayer l’intérêt indubitable que nous avons à observer ces catégories, moins simplistes qu’il n’y paraît, nous reprendrons l’argumentaire avancé par Yves Delahaye dans son ouvrage ‘« La frontière et le texte’ ». L’auteur explique à ses éventuels détracteurs ‘« qu’il est fort important de savoir si l’interlocuteur peut être ou veut paraître, s’il sait devoir faire ou s’il veut pouvoir savoir’ » 599 . Il poursuit son explication en citant un exemple emprunté à l’Histoire: « On se souvient de ce qu’avait dit au Roi un président du Parlement de Paris : ‘« nous ne voulons, sire, révoquer en doute ou disputer de votre puissance…mais nous entendons dire que vous ne devez ou que vous ne pouvez pas vouloir tout ce que vous pouvez »’ et de conclure ‘« il y avait, dans ces quelques modalisateurs, l’évocation en raccourci d’un destin différent pour la France’ » 600 .

Notes
597.

Groupe d’entrevernes, Analyse sémiotique des textes. Introduction, théorie, pratique, PUL, 1988, p 33.

598.

Memmi D., op. cit., 1986, p 144.

599.

Delahaye Y., op. cit., 1977, p 153.

600.

Idem.