3) L’éthique professionnelle comme pièce à conviction

Au-delà de ces constats, il est un point important sur lequel nous souhaitons nous arrêter. Notre analyse des modalités a fait émerger celles privilégiées par les syndicats de journalistes. Elles ont induit trois formes principales de manipulation : selon le vouloir, manifestée essentiellement par la séduction, selon le devoir et selon le pouvoir, reconnaissables dans la menace (d’où l’utilisation du conditionnel). L’objectif, nous l’avons dit, est de recueillir l’adhésion, au sens large, du sujet manipulé, à savoir le journaliste. Algirdas Greimas évoque ‘« des procédures rendant compte des effets de sens de « faire croire » et de « croire » et s’interroge plus loin « on peut se demander si l’espace cognitif ainsi reconnu ne peut être considéré comme le lieu d’exercice d’un autre type de manipulation, d’une manipulation selon le savoir »’ 612 . Cette dernière implique que soit postulé, dans le processus de communication, un univers cognitif collectif. Cela dit, comme le remarque le sémioticien ‘« on peut convaincre les autres par ses propres raisons, mais on ne les persuade que par les leurs’ » 613 . Les questions d’éthique professionnelle se proposent à la lecture du journaliste comme des pièces à conviction. Elles participent du processus du ‘« faire-croire’ » que les syndicats de journalistes emploient à dessein. ‘« Cette expression, pièce à conviction, a moins pour but de faire savoir que de faire croire’  », souligne Joseph Courtès 614 . Notons d’abord que, d’un point de vue cognitif, le journaliste n’est doté d’aucun savoir a priori susceptible d’être communiqué – notamment aux syndicats - ni même, semble-t-il, d’une volonté de savoir. En revanche, les syndicats de journalistes, campés dans leur rôle de destinateur, font savoir à la profession la situation dans laquelle elle évolue et, dans la foulée, dictent des comportements destinés à la modifier. Cette compétence du savoir est d’autant plus gratifiante pour les syndicats de journalistes qu’elle est destinée à être transmise à la profession qui, elle, demeure impuissante et ignorante. Là encore, le rôle du syndicat devient salutaire.

Notes
612.

Greimas A.J., op. cit., 1983, p 123.

613.

Idem.

614.

Courtès J., op. cit., p 40.