III) Les organisations patronales

1) La relation factitive comme nuance du « devoir-faire »

Plusieurs remarques s’imposent avant d’amorcer notre analyse des modalités des discours patronaux. La première consiste à souligner que nos interlocuteurs, qui ont tous fait l’objet d’une interview, se sont adressé à nous en tant que destinataire. Les discours patronaux s’inscrivent donc dans une situation de communication particulière qui diffère de celle des syndicats de journalistes. Cette situation de communication n’engage pas, en effet, de rapports de force directs – de confrontation en termes sémiotiques – même si nous avons largement et intentionnellement suscité la polémique. Cela dit, nous ne postulons aucunement que ces discours soient dénués d’un pouvoir de manipulation, ainsi que nous aurons l’occasion de le montrer au terme de cette analyse. La seconde remarque porte sur la relation factitive (faire-faire) qui lie, de fait, l’éditeur de presse et le journaliste. Cette relation implique deux composantes que sont la décision, sur le plan cognitif, et l’exécution, sur le plan pragmatique et met en jeu deux rôles de sujet décidant et de sujet exécutant. Cela dit, s’agissant de la pratique journalistique, les deux rôles peuvent être assumés par un seul et même acteur : le journaliste. Toutefois, et ce de manière générale dans la sphère médiatique, la distinction, et pas seulement au regard de la loi, est remarquable. ‘« La décision –qui en l’occurrence est le propre du destinateur patron – se définit généralement comme la détermination de ce que l’on doit faire ’» note Joseph Courtès 624 . Assimilée à une relation de factitivité, la décision sera homologuée plutôt à l’ordre qui subordonne le sujet exécutant - le journaliste - au sujet décidant - ici, l’éditeur de presse -. Dans tous les cas, souligne Joseph Courtès, ‘« il y a un devoir-faire qui fera l’objet ou non d’une acceptation’ » 625 . Ce constat nous permet de nuancer l’importance, dans les discours patronaux, de la modalité du devoir-faire dans la mesure où celle-ci s’impose de fait dans les relations qui régissent éditeur de presse et journaliste. Or, à quelques exceptions près, cette compétence ne caractérise pas la relation factitive entre éditeur de presse et journaliste mais définit le rapport qu’entretiennent les instances patronales à l’égard des questions d’éthique. En effet, la modalité du devoir-faire est celle qui, dans les discours patronaux, s’attache aux conditions de production de la représentation normative de la profession et, in fine, à légitimer les décisions prises en la matière. Preuve, s’il en est, que la concertation est loin d’être organisée

Notre objectif consiste en une rapide analyse de l’emploi et de la distribution des modalités dans les discours patronaux desquels se dégagera la spécificité des pratiques manipulatoires.

Notes
624.

Courtès J., op. cit, p125.

625.

Idem.