1) Analyse réflexive et étude comparative des règles morales pratiques dans les métiers de l’information à travers le monde

A l’instar des travaux de Claude-Jean Bertrand qui recensait, à l’occasion de la parution de son ouvrage ‘« L’arsenal de la Démocratie. Médias, déontologie et M*A*R*S’ » 640 , les modèles existants en matière de déontologie de l’information à travers le monde, J.Clement Jones dressait un état des lieux, en 1980, pour le compte de l’UNESCO 641 . L’examen de l’origine et de l’évolution des règles de déontologie fut, à l’époque, de loin le plus approfondi. On y relève que ‘« sur deux cents pays qui se sont doté d’un réseau de grande information dans le monde, on en compte à peine le quart qui possède un code de l’information susceptible d’exercer une influence réelle sur le comportement des membres de la profession ou de garantir la libre circulation des nouvelles et des commentaires »’ 642 . L’auteur souligne que ‘« lorsque l’on passe au crible les institutions et les principes qui animent les conseils de discipline et leurs modes d’application, on y découvre pratiquement toujours quelque trace d’intérêt égoïste et d’instinct de conservation’ » 643 . S’agissant du modèle français, l’analyse réflexive du ‘« document le plus représentatif de la position de la presse française, la Déclaration de Munich’ » relève que ‘« les douze points de la Charte repris in extenso constituent un bel exemple de logique cartésienne et sont en fait un modèle du genre’ » 644 . Selon l’auteur de l’analyse, il s’agit d’une pensée directrice. La conclusion instruite par J.Clement Jones souligne avec insistance ‘« qu’un code n’est applicable que s’il comporte quelque mécanisme de sanctions »’ et de poursuivre ‘» Il est préférable, lorsqu’il est question de rédiger un code de déontologie ou d’instituer un tribunal d’Honneur, que l’initiative vienne spontanément des intéressés ou corresponde au vœu général de la profession, au lieu d’être imposée par le diktat d’une autorité arbitraire’ 645 . Une telle approche est revisitée avec d’infinies précautions dans la thèse de doctorat de Jean Louis Santoro. Sa problématique vise à comprendre ‘« comment une logique institutionnelle et une logique professionnelle ont réussi à engendrer un ordre juridique de l’information ? »’ 646 . Selon lui, ‘« le domaine de recherche à la fois ancien et large des pratiques et usages journalistiques, est un champ qui délimite un domaine « introuvable » en matière de déontologie »’ 647 . Son travail a consisté notamment à opérer un tour d’horizon des recherches en matière de déontologie afin d’en étudier les perspectives. Ainsi, il dresse une taxinomie de la déontologie articulée autour d’oppositions :

  • Déontologie individuelle vs déontologie sociale
  • Déontologie rudimentaire vs déontologie idéale
  • Déontologie inhibitrice vs déontologie créatrice
  • Déontologie par délégation vs déontologie volontaire
  • Déontologie libre vs déontologie imposée
  • Déontologie du médium vs déontologie du message
  • Déontologie formelle vs Déontologie informelle
  • Déontologie matérielle vs déontologie métaphysique

Postulant, avec Merril John, que ‘« les codes de déontologie sont des procédés rhétoriques’ », il note que ‘« la catégorie consensuelle que l’on retrouve le plus souvent est celle de l’honnêteté et de la véracité des informations’ » et souligne qu’il existe ‘« cinq niveaux d’interprétation concernant uniquement la catégorie de vérité : transcendantale, potentielle, sélective, rapportée et perçue’ ». L’intérêt de sa recherche réside dans la tentative de catégoriser le domaine de la déontologie et d’y trouver un champ d’application qui y corresponde. Cela dit, l’auteur reste convaincu que ‘« toute tentative d’insertion des pratiques journalistiques à l’intérieur d’un modèle pré constitué est d’emblée disqualifiable par l’ensemble de la profession »’ 648

Notes
640.

Bertrand C.J., L’arsenal de la Démocratie. Médias, déontologie et M*A*R*S, Paris, éd. Economica, 1999, 371p.

641.

Clement Jones J. fut vice-président honoraire de la « Guild of British Newspapers Editors » et siégea au sein du « United Kingdom Press Council ».

642.

Clement Jones J., op.cit., 1980, p16. Daniel Cornu, dans son ouvrage « Éthique de l’information », précise que : « selon une recension effectuée en 1995, les journalistes de vingt neuf pays d’Europe disposaient d’un code rédigé. Huit codes nouveaux ont été adoptés dans les années 70 et au début des années 80. Plus significatif encore : la quasi totalité des textes a été révisée entre les années 80 et 90 », p 18.

643.

J. Clement Jones, op. cit., 1980, p 18.

644.

Ibid., p23. Il est intéressant de souligner que, lors de notre enquête mais aussi celle menée par la FNPF, pas un seul de nos interlocuteurs n’a mentionné la Charte de Munich.

645.

Ibid., p 69.

646.

Santoro J.L., op. cit., p12.

647.

Ibid., p 23.

648.

Ibid., p 22.