a) La charte comme élément de pouvoir

Elle est d’abord un élément de pouvoir puisqu’elle restreint de fait l’autonomie des journalistes tant du point de vue de la manière d’être (éthique) que de la manière de faire. Son but est notamment de permettre l’adéquation du comportement du journaliste aux objectifs que l’entreprise de presse s’assigne. Elle est donc un moyen de régulation des libertés des journalistes, en tant qu’acteurs de l’organisation, qui sont appelés à se reconnaître dans une identité collective. Ainsi retrouve-t-on dans ce qui constitue l’autorité des énoncés déontologiques des objectifs tels que : ‘« définir des règles communes, clarifier notre ligne éditoriale, disposer d’un outil de référence commun, garantir notre vocation, réaffirmer nos ambitions, faire parler d’une même voix, clarifier notre système de valeurs, rôle fédérateur, affirmer des valeurs communes, fédérer, fil rouge, référence, identité, valeurs, tradition, cohérence »’. Comme l’explique Bernard Lamizet ‘« c’est par la norme – qu’on la mette en œuvre ou qu’on la rejette – que l’on donne à voir notre identité dans l’espace public »’ et d’ajouter ‘« par la référence à la norme, le sujet singulier acquiert la dimension d’un acteur collectif puisqu’il se conforme au modèle censé être commun à tous ceux qui revendiquent la même appartenance et la même sociabilité’  » 694 . L’objectif est donc double : donner une lisibilité, à l’interne, via la fixation de normes, d’une identité collective et donc d’une appartenance à l’entreprise de presse, mais aussi dresser des repères dans et pour l’espace public. C’est par exemple ce qu’exprime le rédacteur en chef du Télégramme de Brest lorsqu’il nous précise : ‘« ça permet d’abord une position d’harmonie interne mais aussi vis-à-vis de l’extérieur d’avoir une position explicative’ » 695 . La rédaction d’une charte institue donc une double médiation. D’une part entre l’entreprise de presse et ses acteurs-journalistes et, d’autre part, entre l’entreprise de presse et l’espace public.

Notes
694.

Lire à ce propos : Lamizet B., « Sémiotique de la norme », proposition en vue de la journée d’étude sur la norme, ECLIPs, Lyon, octobre-novembre 2003.

695.

Quiviger M., interview téléphonique datée du 27 juin 2000, voir annexe.