5) Charte de déontologie vs charte rédactionnelle

Une charte recouvre l’ensemble des règles professionnelles (déontologique ou rédactionnelle) auxquels le journaliste se réfère, dans le cadre de sa pratique. Le journaliste s’engage librement à en respecter le contenu. Il est intéressant de noter que, dans leur grande majorité, les entreprises de presse préfèrent le terme de ‘« Charte ’» à celui de code dont la connotation juridique effraie quelque peu. Or, nous savons que les journalistes expriment une méfiance quasi naturelle à tout ce qui ressemble à un code ou un Ordre dont les terminologies respectives font référence au pouvoir, qu’il soit politique ou juridique. Rappelons-nous les propos de Jacques Morandat : ‘« Charte de déontologie, ça sonne mieux’ » ou encore, en référence à la création d’un Ordre : ‘« un conseil de l’Ordre ça fait référence à quoi ? A Pétain. Attendez encore une ou deux générations puis voilà’ » (FFAP) 722

Il nous faut, préalablement à notre analyse, distinguer les entreprises de presse qui disposent d’une charte de déontologie (ou en voie d’élaboration) de celles qui disposent d’une charte rédactionnelle. Louis Guéry, dans sa propre enquête, a été acculé de la même manière à faire le constat du ‘« mélange des genres’ ». Il précise que ‘« certaines chartes pratiquent le mélange des genres, c’est-à-dire qu’il faut chercher l’affirmation de principes éthiques au milieu de précisions concernant la force du corps du titre de l’éditorial, le caractère des échos, le genre des filets qui encadrera le billet ou bien encore la consigne de renvoyer au service publicité les annonces de coupures de courant d’EDF »’ 723 . Cela dit, nous pensons que le contenu d’une charte rédactionnelle, en harmonisant les principes d’écriture d’une rédaction, conduit inéluctablement à une manière de faire commune qui déteint sur une manière d’être collective. Autrement dit que le faire peut commander l’être et réciproquement. Il s’agit donc d’une sorte de ‘« formatage’ » des pratiques et réflexes journalistiques dans lequel nous serions susceptibles de retrouver une certaine manière d’être, donc une éthique professionnelle.

Notes
722.

Lire à ce propos le chapitre « le refus d’un Ordre des journalistes », in Médias et déontologie, Pigeat H., PUF, avril 1997, p 225.

723.

Guéry L., op. cit., 1996, p 75.