2) Une double stratégie : entre adaptation et protection

Les considérations déontologiques de ces documents sont très diversement étayées. Tantôt elles font l’objet de formules qui confinent soit à la maxime soit au slogan : ‘« Les faits sont sacrés, les commentaires sont libres ’» (Sud Ouest) ; ‘« On ne peut pas tout couvrir, on peut tout annoncer’ » (Le Courrier Picard) ; ‘« Dire sans nuire ; montrer sans choquer ; témoigner sans agresser ; dénoncer sans condamner »’ (Ouest-France) ou encore ‘« Informer sans condamner’ » (SPQR), tantôt elles sont clairement énoncées, notamment en préambule. Cela dit, nombreux sont les documents dans lesquels ces considérations, si elles existent, sont noyées dans une somme d’informations liées aux principes rédactionnels. Preuve s’il en est, que tel n’est pas leur objet principal. Notons qu’aucun document n’a été explicitement rédigé avec pour seule intention de présenter ‘« la déontologie’ » maison. La plupart se rattachent soit à l’élaboration d’une nouvelle formule soit à l’évolution de la technologie, des habitudes de lecture (entretenir le ‘« contrat de lecture’ ») mais aussi et surtout de la jurisprudence comme en témoignent ces quelques extraits de préambule :

  • «  La multiplication et le volume croissant des sources d’information, liés au développement des supports de communication, induisent le risque d’une perte d’identification de la fonction éditoriale » (SPQR)
  • « Dans l’ensemble cette charte a résisté à l’épreuve du temps. Mais elle a subi le contrecoup de l’informatisation qui a donné naissance à de nouveaux usages et précipité des évolutions rédactionnelles et graphiques pas toujours maîtrisées. Dans le même temps, la relation du lecteur avec son journal ne cesse d’évoluer dans un univers où la place de l’écrit est contestée » et d’évoquer, plus loin, qu’il s’agit : « De gagner la bataille de la lecture, la charte rédactionnelle fixe précisément les étapes de cette conquête » (Sud Ouest)
  • « Il est indispensable de se souvenir que l’on écrit pour être lu, que le lecteur a ses habitudes, et qu’il a passé un contrat de confiance avec son journal et croit dur comme fer ce qu’il y lit » (République du Centre)
  • « Nos lecteurs sont de plus en plus exigeants sur la qualité de l’information locale. Ils la veulent riche, dense, exhaustive, impartiale et facile à lire » (Le Dauphiné Libéré)
  • « Notre P.D.G. a plaidé au plan national pour notre attachement au « respect des personnes » et pour une « autodiscipline » de la profession. Un groupe a réfléchi à l’identité du journal en général, et appliquée aux faits divers, faits de justice et faits de société en particulier. La rédaction en chef réaffirme l’ambition du journal d’être médiateur dans ce domaine, autant et aussi bien qu’en n’importe quel autre. En soulignant qu’en celui-ci moins qu’en tout autre, nous journalistes, n’avons pas droit à l’erreur » (Ouest-France)
  • « Les règles fixées sur la manière de couvrir le fait divers ont toujours été élaborées en liaison étroite avec les consœurs et confrères chargés des rubriques faits-divers - Justice. Elles ont été régulièrement actualisées. Elles viennent encore de faire l’objet d’un examen sérieux dont je vous prie de trouver ci-joint le résultat. » (DNA)
  • « Fait-on une nouvelle formule pour se faire plaisir ou pour quelque chose de concret ? (…) C’est pourquoi ce document a été élaboré. Il sera la bible à laquelle chacun devra se référer pour avancer avec le Courrier Picard et sa nouvelle formule. De nouvelles habitudes devront être prises. C’est le défi que nous lançons » (Le Courrier Picard)
  • « Le traitement du fait divers exige des journalistes qu’ils mettent en œuvre toutes les ressources de leur talent et qu’ils fassent preuve de la plus grande rigueur. La publication de faits divers engage toute la responsabilité juridique du journal, des journalistes et notre crédibilité rédactionnelle » (L’Est Républicain)

L’élaboration d’une charte dans la PQR consiste globalement, comme nous l’avions déjà remarqué, en une double stratégie :

  • D’adaptation à l’environnement technologique, juridique et du lectorat.
  • De protection eu égard à l’évolution de ces environnements.