4) Le choix des valeurs

Si le rapport au lectorat constitue une ligne de partage entre les entreprises de presse d’une même famille, il semble cependant qu’un lot commun de valeurs fasse l’unanimité. Notons d’abord l’expression d’une volonté de ‘« cohérence’ » qu’exprimerait l’attachement à un certain nombre de valeurs. Cela dit, si pour certains ces valeurs apparaissent comme ‘« les bases de notre déontologie professionnelle »’ (L’Union), ‘« des règles professionnelles de base » (Ouest-France) ou encore « la base de notre déontologie professionnelle’ » (L’Est Républicain) pour d’autres il s’agit plutôt d’éviter les procès. Ainsi, Le Dauphiné Libéré n’hésite pas à souligner, auprès de ses journalistes, ‘« qu’il ne faut pas juger ni prendre partie et ne pas vous embarquer dans des commentaires qui pourraient nous valoir un droit de réponse’ ». Il en va sensiblement de même avec La République du Centre qui enjoint ses journalistes ‘« à faire preuve de vigilance pour ne pas être attaquable ».’ L’usage des valeurs ne s’inscrit donc pas tout à fait dans la même perspective. Solliciter l’identification du journaliste à un certain nombre de valeurs constitutives de l’identité du journal, c’est l’impliquer dans une manière d’être collective et, in fine, afficher une certaine cohérence. Or c’est au cœur de cette implication du journaliste que chacune des entreprises de presse se distingue. C’est en effet dans la rhétorique qui justifie non seulement la mise en place de ses valeurs mais l’adhésion des journalistes à celles-ci que des frontières se dessinent. Ainsi pour Le Courrier Picard la messe est dite : ‘« Si l’entreprise vous doit quelque chose, vous lui devez, vous aussi, quelque chose »’ et de préciser ‘« l’impunité ne sera plus de rigueur’ ». Pour Ouest-France, il en est tout autrement. C’est un ‘« Nous’ » massif qui s’exprime (habituons-nous, bannissons, ayons, etc.) car il s’agit de ‘« notre cohérence ; notre responsabilité ; notre éthique commune ; notre P.D.G. ; notre attachement ; notre approche professionnelle ; notre crédibilité : nos lecteurs ’». Ici, c’est ‘« la grande famille ’» qui parle au nom d’une éthique commune. C’est donc le ton et le style de la justification qui marque la différence car enfin, pour l’essentiel, nombreuses sont les valeurs que partage la PQR. Quelles sont-elles ? Nous les avons toutes listées à l’issue de la lecture de l’ensemble des documents. Il en ressort une très large majorité pour trois valeurs représentatives de l’état des lieux que nous venons de dresser : le respect (des personnes, des principes, des droits de l’Homme), la rigueur et enfin la prudence. Cette dernière valeur est notamment mise en exergue dans les documents qui ont trait au seul traitement du fait divers. D’autres valeurs sont prônées mais elles ne font pas l’unanimité. Ainsi on retrouve les valeurs de justice, d’équité, de pluralité, de tolérance, d’honnêteté, de clarté, d’indépendance, d’humilité, d’utilité, de véracité, d’impartialité, de justesse, de discernement, de modération ou encore de transparence, de fiabilité et de sensibilité. Chacune de ces valeurs, se retrouvent une voire plusieurs fois dans notre corpus et sont souvent l’occasion de rappeler qu’il en va de la crédibilité du titre. Il paraît évident que les logiques qui ont présidé aux choix de représenter telles ou telles valeurs sont en rapport avec l’image que souhaite donner l’entreprise de presse quotidienne régionale à l’extérieur puisque, toutes, soulignent leur volonté d’afficher une certaine cohérence et de gagner en crédibilité. Ceci dit, nous ne pouvons prétendre que ces choix sont exclusifs car il va de soi qu’aucune entreprise de presse, parmi celles qui n’ont pas retenu le pluralisme ou encore l’honnêteté, s’opposerait à de telles valeurs. Nous pensons donc fortement que s’il y a un point de convergence entre ces documents, celui-ci réside dans la diffusion de valeurs que l’on pourrait qualifier d’humanistes et de démocratiques. Elles fondent et légitiment les pratiques journalistiques et parent l’entreprise de presse d’un certain nombre de vertus desquelles elles se réclament publiquement.